Je réfléchis à propos de l’esprit de défense depuis un bon moment (entre autres : « Esprit de défense » du 31 mai 2018), étant fort préoccupé par les menaces qui pèsent sur notre pays dont, même si tout n’est pas parfait loin de là, les lois et institutions permettent à ses habitants de jouir d’une qualité de vie assez unique sur la planète, alliant les libertés de parole, de réunion, de la presse, de déplacement, à un peu d’égalité, de fraternité, un soupçon d’équité et surtout le principe de laïcité garant de la liberté de croyance de chacun tant qu’elle ne menace pas celle des autres. Tout ceci, allié à une géographie et à un climat agréable, font de notre pays une sorte de paradis, il me semble avoir déjà osé le prétendre, foin des grincheux chroniques.
Et quand on vit au paradis, on a envie que ça dure, cela parait évident. Encore faut-il en avoir conscience et, en fonction de sa situation individuelle, se sentir concerné par la conservation d’un tel continuum. Tiens, tiens, revoici des notions décrivant les étapes du processus d’engagement sur lequel je me suis longuement étendu récemment. L’engagement, une relation dynamique au monde.
L’envie de défendre son cadre de vie nait de son observation la plus objective possible, en ne mêlant pas à sa réalité les espoirs de ce qu’on voudrait qu’il soit, elle nait aussi d’une bonne connaissance des sociétés du monde autour de nous, histoire de nous situer sur l’échelle de l’oppression.
En fonction des résultats de ce travail préalable, passionnant et édifiant, commence à apparaitre une conscience précise de ce qu’il y a à sauver et des menaces qu’il faut écarter ou combattre.
A ce point de la réflexion, il est clair que l’esprit de défense qui nait et commence à croitre en nous ne s’applique pas uniquement à une menace d’ordre guerrière, loin de là. Il vient en effet renforcer la défense de tous les acquis de notre société, ceux-là même cités plus haut et dans la raison sociale du pays, dans sa constitution.
Car la menace est protéiforme.
On pense bien sûr en priorité à tous les autocrates qui prolifèrent de nouveau, de moins en moins loin de chez nous, clairement menaçants vu que l’appétit vient en mangeant et qu’ils ne s’arrêteront que lorsqu’ils auront trouvé un obstacle plus puissant que leur voracité.
On pense à l’envahissement par toute la misère du monde pour les raisons citées plus haut, impression qui peut être combattue par la réalité des chiffres de l’immigration, par la perception de sa nécessité et surtout en soulevant le couvercle de propagande qui l’instrumentalise au profit d’ambitions politiques délétères tout en camouflant les casseroles d’un passé infamant.
On pense à la mainmise opérée sournoisement par l’idéologie marchande qui détruit petit à petit tout ce qui lui fait obstacle dans la recherche du maximum de profit, entre autre les acquis sociaux, pour transformer la société protectrice en marché ou seul le contrat fait loi des partis. Malheur aux faibles.
On pense à la fuite en avant consumériste dont les conséquences s’observent déjà, dérèglement climatique, épuisement des ressources, pollution éternelle.
On pense aussi avec découragement, aux manœuvres insensées du système économique qui mute pour sauver sa peau en sécrétant une propagande étouffante tout en poursuivant obstinément sa course à l’abime en niant la réalité observable et en ferraillant avec acharnement contre toute notion de décroissance ou de ralentissement de son activité, la suppuration de dividendes sur cette plaie de l’humanité étant son alpha et son oméga.
Le tableau est bien sombre qui offre cependant un immense champ d’action à l’esprit de défense de nos valeurs et acquis, chacun peut y œuvrer à la mesure de ses capacités et penchants et mieux encore, réfléchir à d’autres conceptions du monde suffisamment attrayantes pour s’imposer sans fracas et nous permettre de quitter la trajectoire fatale menant l’humanité – vive la mondialisation – au pire.
Alors, qui s’y colle ? On arrête de râler sans suites, de se débiner, on sort le nez des smartphones, on se libère des séries hypnotiques, on recommence à faire société avec des vrais gens, on se parle, on redécouvre le débat, on retrouve le chemin des urnes pour voter sciemment contre ceux qui ne font rien depuis des lustres qu’entretenir leur petit manège. Le chantier est si vaste que chacun trouvera combat à sa mesure. L’uniforme n’est pas obligatoire pour se défendre.