Le temps passe. Repoussé au trente sixième dessous de l’agitation médiatique, le conflit entre la Russie et l’Ukraine s’éternise et va se figer dans un second hiver. Les punaises de lit, Gaza et la loi sur l’immigration ont eu raison de lui, qui tenait la corde depuis des mois.
A l’occasion des dernières turpitudes planétaires, on a même vu Vlad 1er se refaire une santé en osant des commentaires surréalistes à propos du pogrom de Gaza et de ses suites vengeresses et sanglantes. Par là, il nous montre à quel point il est à présent sûr de lui face à l’Ukraine dont les soutiens se lassent petit à petit, fort des siens qui n’ont pas d’états d’âme.
L’Europe, mentalement polluée par son allégeance totale à la puissance militaire américaine, n’a pas encore mobilisé à fond ses usines pour fournir les armes et les munitions nécessaires à l’Ukraine qui se bat pourtant comme son avant-poste assiégé.
On dirait qu’elle appelle ainsi inconsciemment de ses vœux une fin prochaine du conflit. À tout prix ?
Elle se leurre aussi en adepte de la méthode Coué, sur la solidité de l’alliance américaine qui ne tient qu’à quelques soubresauts politico-judiciaires et à la prochaine élection présidentielle empoisonnée déjà par le retour hargneux d’un Trump en clown revanchard bien capable de laisser tomber l’autre clown, celui-ci professionnel, qui, de façon stupéfiante, s’est révélé à la tête de l’Ukraine agressée en chef de guerre charismatique et exigeant pour ses alliés trop timorés.
Je pense que tout ceci procède d’une manœuvre à plus grande échelle destinée à contraindre l’Ukraine à abandonner le terrain conquis par la Russie en échange d’une paix de compromis. Je ne m’explique pas autrement les promesses à rallonge de fourniture de chars de bataille, d’avions de combats modernes, de lance-roquettes à la précision métrique… qui sont distillés au goutte à goutte vers ceux qui en ont tant besoin, au point que la contre-offensive planifiée cet été a été un échec faute d’être alimentée comme l’espéraient des soldats ukrainiens motivés et prêts à en découdre.
La peur que Vlad 1er brandisse à nouveau le bouton rouge ? Quel intérêt pour lui alors que les planètes s’alignent en sa faveur ? Faux prétexte.
Je crains que l’Amérique ait mieux à faire de ses dollars face à la Chine dont elle sait qu’elle ne tient sa population que par la prospérité matérielle, je crains que l’Europe à la défense sous-traitée n’ait pour seule idée que de recommencer à avaler des couleuvres pour commercer librement avec tout le monde, reconnaissant implicitement qu’elle n’a pas envie de se battre, tant pis pour ses valeurs.
On voit ici la parfaite illustration de la grande faiblesse des pouvoirs changeants des démocraties face aux autocrates qui ont tout leur temps et pour Vlad 1er en particulier, tout l’espace pour voir venir.
On voit ici des pays aux constitutions fondées sur les droits universels de l’homme, abandonner tous leurs splendides idéaux en faveur de leurs profits et en oubliant que tout autocrate qui ne rencontre pas d’opposition à ses menées extérieures et intérieures, continue d’avancer.
Après l’Ukraine, à qui le tour ? A qui ferons-nous croire que nous sommes des alliés fiables ? Et lorsque Vlad 1er constatera que l’Amérique a engagé le fer avec la Chine, ce qui ne saurait tarder et sous une forme qui reste à découvrir, osera-t-il venir chercher des noises aux pays baltes, bien certain que ses voisins ne lèveraient pas le petit doigt pour l’en empêcher car bien incapables de mobiliser des populations indifférentes au sein de forces armées embryonnaires. Je me souviens avoir lu l’éditorial pacifiste du 4 mai 1939, de Marcel Déat, futur scélérat collaborationniste : « Mourir pour Dantzig » ! Cette reculade pour ne pas s’engager aux côtés de la Pologne, n’a pas empêchée la Seconde Guerre Mondiale, comme Winston Churchill l’a dit autrement à ce même moment: « Entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ! »
Il me semble que, encore eux, seuls, les Polonais ont compris ce qui était en train de se passer, bien que comptant avant tout sur le bouclier américain : prudents car si souvent abandonnés à leur sort dans le passé, ils sont en train de se réarmer massivement, achetant partout des matériels de pointe en grande quantité en vue de constituer une force moderne puissante et dissuasive, apte à décourager les voisins ambitieux et aventuristes. S’ils parviennent à ses financer, reste à savoir si la population suivra, les armes, c’est bien, les soldats pour les utiliser, c’est encore mieux.
Il ne nous reste qu’à observer l’évolution des choses sur ce front car bien impuissants à peser dans ce jeu de volontés de puissance qui dépasse notre intrinsèque et inexcusable faiblesse politique.

Beaucoup de lucidité et de pragmatisme dans ton papier.

L'échec de la contre-offensive ukrainienne est peut-être due aux livraisons insuffisantes d'armes par les Occidentaux. Mais une question me taraude depuis le printemps. La contre-offensive ukrainienne a été déclenchée de longs mois après les annonces de sa survenue prochaine. En éliminant tout effet de surprise, pourtant décisif dans ce genre d'opérations, n'était-elle pas inéluctablement vouée à l'échec alors que les russes profitaient de ces délais supplémentaires pour durcir leurs lignes de défense ?