Avant tout engagement en quoi que ce soit, en toute conscience de la situation générale dans laquelle il va s’inscrire et en quoi nous nous sentons concernés, se pose la question des moyens que nous pouvons déployer à titre personnel pour agir efficacement.
Les capacités nécessaires ne sont pas seulement liées au but poursuivi.
Un solide outillage est indispensable à la compréhension de ce qui nous entoure. Le rôle de l’éducation est fondamental, nous devons apprendre comment interpréter à la fois ce qui nous saute au visage et ce qui reste caché sous le tapis, à voir ce qui se cache sous les vociférations, à maitriser dimensions et proportions, à discerner les harmonies et les contradictions, que lecture et écriture ouvrent à nos espaces intérieurs autrement inaccessibles et cristallisent le temps sous forme d’histoire partagée.
La société dans laquelle nous vivons, édifiée sur une culture commune, avec ses us et coutumes, ses codes, ses lois, nous modèle autour de ses valeurs comme constituants d’une collectivité bien plus puissante que la somme des individus qui la composent. Comme elle nous protège, nous sommes amenés à la protéger en contrepartie.
A ce point, nous disposons de l’élan pour nous engager, que je serais tenté de nommer la motivation.
Cependant, l’engagement ayant toutes formes possibles, nous sommes amenés à choisir celle qui nous convient le mieux, celle où nous serons le plus efficace, avec le meilleur rapport bénéfice-risque, en cohérence avec nos capacités personnelles, physiques et morales.
Un joueur de rugby qui affiche 60 kg sur la balance, aussi motivé soit-il, n’ira pas servir son équipe au cœur de la mêlée… mais jouera plutôt les moustiques autour.
Dans un pays occupé, la jeune fille sans capacité guerrière, mettra audace et excellent coup de pédale au service de la très dangereuse liaison entre ses camarades résistants.
Le professeur plus sûr de rien mais fier de sa mission, ferraillera au quotidien, avec des mots et à ses risques et périls, contre les facilités de la violence.
Etc.
Ces quelques exemples montrent à quel point il y a toujours moyen de s’engager à atteindre un objectif disproportionné pour un individu isolé, en s’appuyant sur son savoir, sa force physique, sa vivacité, sa détermination, son goût du risque…
Le plus grand danger menaçant une société est le rejet de l’engagement par ceux qui la composent, qui mène immanquablement au délitement.
Les individus désorientés par le manque de sens d’un monde hélas régi par l’airain de lois marchandes, combattent leur déception en le fuyant pour d’autres chimères toutes aussi mortelles pour la cohésion sociale. « A quoi bon ? » devient le cri de ralliement de ceux qui préfèrent se cacher sous la couette plutôt que renverser la table.
A quoi bon ? Il est question de notre survie collective ! Si nous sommes nombreux à avoir conscience de ce qui devrait changer, dépassons ce constat en découvrant que finalement, agir n’est pas si impossible que cela et surtout que notre indécision et nos hésitations à nous engager dans un combat vital, font le jeu d’une minorité surpuissante à l’inconséquence abyssale qui empoisonne le monde et ses habitants à force d’accaparement, en surfant sur la vague première du déluge qu’ils ont déclenché et qui nous emportera tous si nous n’y prenons garde. Et vite !