Vendredi dernier, j’ai vu passer un train en marchant le long du cours Charlemagne à Lyon. J’aime bien les trains. Surtout les trains de marchandise. Celui-là en était un, un bien interminable, composé de wagons porte-autos. Des wagons pleins de SUV, vous voyez bien ce que je veux dire, ces grosses bagnoles taillées comme des panzerspähwagen (on peut aussi dire automitrailleuses…) venant justement de chez notre voisin et nouvel ami, du nord-est…
Ce déplacement en train devait, je pense, servir à atténuer l’empreinte carbone de ces engins deux fois plus gros que nécessaire pour trimbaler en général une personne perchée au-dessus des pavillons du commun. Avec des vignettes Crit’air 1 ou même 0 pour les encore plus pesantes électriques.
Les lois de la physique étant ce qu’elles sont, nous faire croire qu’ils sont frugaux avec deux tonnes de matière inerte à faire bouger sur des pneus qui collent au bitume, c’est carrément nous prendre pour des billes. A part rassurer les inquiets du volant ou caresser les frimeurs dans le sens du poil, je ne vois pas l’intérêt de cette inflation voiturière qui ne profite qu’à ceux qui nous les vendent après nous avoir fait prendre des vessies propagandistes pour des lanternes écologiques.
Je me suis dit que si ce train était rempli de ces SUV, c’est bien que quelqu’un les achetait. La Palisse. Et ce, malgré Soulèvement de la Terre !
En ce moment aussi, le Salon du Bourget. J’aime bien les avions. Surtout ceux qui sont honnêtes et font un raffut du diable en abusant des trois dimensions. Pas écolos, donc. Mais honnêtes. Et dont on parle de moins en moins, laissant cela aux reporters de guerre en Ukraine. Au Salon, priorité aux autobus qui ronronnent dans la rondeur rassurante de leurs trajectoires molles ! Et justement, autobus, cela sonne bien politiquement correct, avec un bruit de fond sonnant et trébuchant.
En ces temps de flygskam (en bon suédois : honte de prendre l’avion), j’ai cependant été stupéfait d’apprendre que notre fierté européenne, Airbus, venait de vendre 500 de ses excellents A320 à une compagnie indienne, IndiGo. Surmontant mon ineffable plaisir de voir Boeing dans les choux, je suis allé un peu plus loin, chercher à comprendre ce qu’il pouvait bien se passer là-haut, dans les nuages.
Ô surprise, on viendrait d’inventer l’avion vert, celui qui bouffe du carbone au lieu d’en vomir à gros bouillons. Extraordinaire ! Les lois de la physique auraient-elles évoluées à notre insu sans échapper à la sagacité des avionneurs ? Par quel tour de passe-passe un engin consommant cinq tonnes de kérosène à l’heure serait-il devenu un parangon de frugalité ? Grâce aux carburants verts ! Grâce à l’hydrogène ! Vert aussi. On tente aussi l’électricité ! Avec des batteries à l’hydrogène qui flottent dans l’air façon Zeppelin ? Si je n’étais pas devenu philosophe avec l’âge, j’en tomberais à la renverse !
« Si la légende est plus belle que la réalité, imprimez la réalité » foi de communicant !
Je viens d’abandonner mon abonnement à une revue anglo-saxonne d’aviation que j’adorai pour son sérieux mais qui, depuis quelque temps, a sombré dans l’hagiographie saturante au sujet de l’avenir de l’aviation de masse qui, chacun devrait le savoir s’il n’avait pas roupillé durant ses cours de physique au collège, devra en rabattre dans les grandes largeurs tant qu’on n’aura pas fait une avancée colossale dans le domaine de sources d’énergie radicalement différentes des celles offertes par le pillage de la Nature. Car on en est là. Même si les princes de la technologie poussent les réacteurs à friser les 100% de rendement, cela ne remplira pas les puits de pétrole qui se tarissent !
Le déni de réalité que je ne suis pas le seul, loin de là, à observer, qui démontre cruellement notre impuissance individuelle à changer quoi que ce soit, ne semble être que la plus grosse convulsion d’un système à l’agonie et incapable de s’amender, qui, dans un réflexe de conservation débile, place sa survie avant même celle de la nôtre, pourtant source de sa propre énergie ! Accablant.