L’expression « pensée unique » devenue, a intégré le jargon politicien. Elle recouvre une notion qui devrait nous épouvanter plus qu’elle ne le fait, celle d’un enfermement dans un schéma intellectuel sans issue totalement contraire à l’esprit de tolérance indispensable à des relations humaines apaisées.
Elle est née du dévoiement du libéralisme au sens des Lumières, cette pensée ouverte édifiée sur les libertés défendues par les intellectuels du XVIII^ème siècle, repris par ceux de la Révolution Française : liberté d’expression, d’opinion, de croyance, de la presse, de se déplacer.
Hélas, la montée en puissance concomitante de la bourgeoisie grâce à l’explosion industrielle et commerciale fruit de la forte accélération des progrès techniques, a permis à cette notion, tout en conservant sa désignation philosophique, de lui faire recouvrir petit à petit un ensemble de nouvelles valeurs communes arrangées à une sauce mercantile au fort relent de capitalisme non encore théorisé comme parangon d’idéologie économique.
Le temps passant, le capitalisme une fois bien défini dans ses mécanismes et ses limites absurdes, ce libéralisme nouveau genre s’est progressivement débarrassé de tous les marqueurs humanistes issus des Lumières pour ne conserver que son but ultime : l’accaparement d’un maximum de richesses par un petit nombre en tendant à évacuer le plus possible les créateurs de valeur, les travailleurs, ceux qui n’ont que leur temps pour seule richesse. Au sens de cette pensée devenue unique, pas d’hommes, pas de problèmes, maxime passe-partout représentative des manières de tous les oppresseurs.
Nous sommes aujourd’hui en passe de voir ce but atteint. Tous les courants autres que celui qui domine la politique et l’économie ont été évacuées vers les livres d’histoire après avoir été combattus comme déviants, la vie politique devenue stérile faute de débats d’idées disparaissant sous les flots de bêtises vomis à flots par une propagande omniprésente que, faute d’une éducation appropriée, nous sommes bien incapables de déjouer, même dans ses manifestations les plus grossières.
D’où cette notion de « pensée unique » qui s’accommode des petits désaccords entre les individus en leur dictant cependant les limites à ne pas dépasser tout en gardant les yeux vers le but ultime : « enrichissez-vous », même si c’est en écrasant les autres.
Elle est d’une puissance telle que même la Chine l’a adoptée, la pensée unique sait très bien profiter d’un régime politique communiste, certes ennemi, mais condamné à être suffisamment coercitif pour durer au point qu’elle a pu lui apparaitre comme une solution de rêve, en partageant un but commun de contrôle total des populations aux mains de privilégiés plus enclins à s’entendre qu’à se combattre.
Cette « pensée unique » est pour l’humanité une catastrophe de même niveau que le réchauffement climatique ou que la raréfaction des ressources naturelles.
On peut croire qu’elle va se heurter à d’autres pensées uniques qui remontent en puissance à toute allure face à des démocraties empêtrées dans des principes mal compris, mal utilisés et mal défendus au point d’en devenir contreproductifs. Il n’en sera rien, elle viendra renforcer l’enfermement dans les dogmes politiques ou religieux qu’elle ne concurrence pas, étant de même essence.
Sauf un sursaut de dernière minute auquel je ne crois que très modérément, navré que je suis de voir plutôt proliférer des modes de pensées fracturant encore plus les sociétés en faisant le jeu des grandes oppressions à venir, je crains que nous vivions les derniers temps d’une éclaircie intellectuelle unique dans l’histoire de l’humanité, avant de replonger dans l’obscurantisme mercantilo-politique et/ou religieux. Nous sommes parfaitement préparés à cette infamie.
Ne comptons pas sur l’intelligence artificielle pour nous tirer d’affaire, cheval de Troie de l’asservissement total, elle ne connait aucune nuance et n’est programmée que pour remplacer les hommes avant de devenir leur Dieu. Aucun intérêt pour nos pensées multiples.