Régulièrement durant ma vie professionnelle, j’ai été confronté à des épisodes, incidents, défis, etc. me laissant pantois malgré mon enthousiasme naturel. Surtout entre 1985 et 1996.
Rien d’extraordinaire dans la vie quotidienne d’un duo dirigeant une entreprise en grande difficulté. Cependant, si certaines d’entre elles, les plus techniques, étaient surmontables grâce à nos formations complémentaires, d’autres, plus incernables, nous poussaient à trouver un appui efficace auprès de conseils idoines. C’est arrivé rarement vu l’hostilité de nos mentors, syndic et juge commissaire du tribunal de commerce et heureusement à bon escient. Cela ne nous a pas sauvés pour autant mais appris que, bien que patrons, il fallait accepter de n’être pas omniscients !
C’est vers la fin de cette période plus qu’intense que nous avons vu apparaitre avec insistance la notion de management des ressources humaines vendue par quelques ténors aux méthodes d’évangélistes américains du Middle West. Nous avons assisté à quelques-unes de ces messes des temps modernes sans apprendre grand-chose vu notre vécu, à la différence de nombreux autres fidèles captivés par ces discours d’un genre nouveau, à l’opposé même des habitudes du moment, schlague et gueulantes.
Sans apprendre grand-chose, non pas parce que nous étions plus malins mais parce que nous avions été confronté dès 1985 à un personnel totalement déboussolé par la soudaineté des difficultés de leur entreprise qu’ils étaient plus que tentés de quitter pour des emplois pérennes et plus sereins. Faire face à un tel exode, menace vitale de plus pour l’entreprise, a consisté à revoir de fond en comble la manière de diriger et surtout à la mettre en place sans causer de dégâts supplémentaires. Une manière apaisée, sans cris, sans confusion ni confiscation de pouvoir, sans couperet, avec une écoute attentive et un partage d’idées permanents. Cela ne nous a pas sauvé non plus, mais a démontré qu’il était possible d’évoluer, patrons et employés, dans les pires conditions. Nous aurions dû couler au bout de six mois, nous avons tenu onze ans, enrichis d’une expérience unique et inoubliable.
A la suite de cette aventure, travaillant seul et donc éloigné de la vie d’entreprise structurée, j’ai pu assister à la montée en puissance des conseils en management humain au travers des usages de mes clients qui s’en ouvraient d’autant plus facilement pour avoir été témoins comme concurrents, de mes aventures passées. Malheureusement, toute l’expérience acquise venant d’un simple dessinateur sous-traitant, n’était pas recevable, chacun dans sa boite…
Aujourd’hui, les entreprises font appel à une multitude de formateurs en management humain et gestion de crise. Souvent des autoentrepreneurs ayant ou pas une légitimité en la matière, je ne sais pas en juger, ce milieu est très hétérogène. Il se partage un immense marché. On y voit de tout, des gourous autoproclamés au bagou de bateleurs qui imposent plus leur volonté qu’un savoir utile, mais aussi d’autres plus capés, fondant leur enseignement sur la collaboration et l’ouverture d’esprit menant leurs clients/patients à d’abord se parler et dépasser les non-dits pour les guider ensuite vers des solutions avant cela indistinctes et qu’ils parviendront à découvrir ensemble sans aprioris.
Ce qui m’interpelle c’est plutôt la raison de cette efflorescence.
Il me semble que c’est à la fois une réaction de réparation contre les méthodes de management inhumaines imposées par l’idéologie ultralibérale, mais aussi la conséquence d’un grand blanc sur le sujet dans l’éducation et l’enseignement qui se cantonnent aux matières techniques non contestables en évitant soigneusement l’humain et le social, domaine incertain où il faut ferrailler.
Nul n’ignore que le monde ultralibéral est régi par la loi du plus fort, les gens n’étant considérés qu’en tant que ressource, comme du minerai de temps. La loi du marché s’applique ainsi aux gens, de façon impitoyable, même si aujourd’hui, cette même loi se retourne contre le système qui peine à trouver qui essorer encore, les candidats, après tant d’années, ayant enfin compris ce qui les attendait. Rien à sauver de ce côté, ce machin inhumain est réfractaire à tout débat.
Par contre, il serait temps dans les familles et à l’école, de se débarrasser des matières en vogue à l’utilité déjà disparue au moment de l’entrée dans la vie active et de se concentrer sur la caisse à outil dont nous devrions tous être dotés à ce moment-là. Il serait temps que les gamins disposent des outils de base à usage universel parmi lesquels, grande nouveauté, une véritable formation à la vie en société, à une hygiène comportementale partagée, à la dynamique de groupe, au commandement et surtout à l’esprit critique.
Mais j’ai peu d’espoir, quel gouvernement prendra-t-il le risque de créer des citoyens lucides et peu enclins à se faire enfumer ? Pourtant, au travers du recours aux coaches et gourous, le processus est déjà en cours, mais de manière brouillonne et couteuse. Seule l’autorité publique saurait le rendre équitable en l’élargissant à tous comme fondement d’un nouveau contrat social.