Malgré la lourdeur de l’actualité internationale ou franco-française, la question énergétique demeure en surface malgré des réponses encore brouillées à cet immense défi. Pourtant, il ne date pas d’hier, l’alerte ayant été sonnée il y a déjà bien longtemps à la suite d’un ensemble de réflexions menées sur les ressources naturelles dès les années 60. Un coup pour rien suivi de bien d’autres jusqu’au récent réveil général déclenché par la pandémie Covid et la guerre en Ukraine. Sinon…
Nous assistons en ce moment à un redéploiement des fournisseurs, la Russie devenue persona non grata étant remplacée par d’autres pays du même baril démocratique sans que le prix à la pompe ou au compteur ne baissent pour autant, magie du libéralisme économique sauvage aidant.
Signe des temps, le pourcentage des énergies éolienne et solaire emprunte une courbe ascendante le portant à certains endroits au niveau des énergies fossiles. Bien, même si leur bilan global n’est pas aussi rose qu’on veut bien nous le dire, en terme de ressources naturelles, de durabilité, d’impact in situ ou d’inféodation à des fournitures possiblement sujettes à embargos.
Reste une source dont on parle de plus en plus, moi le premier, mais dont les effets sont encore difficiles à discerner : le bois.
Depuis que je me suis intéressé de près – merci à mon ami sylviculteur – à cette filière, elle m’apparait bien plus porteuse que celles citées plus haut. Elle présente à mes yeux une dimension unique puisque son exploitation implique de fait une réhabilitation totale de territoires aujourd’hui négligés voire abandonnés. Cela pourrait devenir l’amorce du retour à une géographie humaine et économique plus raisonnable et durable. En effet, pour exploiter les forêts occupant une part non négligeable et croissante de la surface du pays, il faut beaucoup de travailleurs, répartis sur tout le territoire, vivant dans des villages ressuscités par leur afflux, entrainant de fait le retour des services publics nécessaires à leur quotidien. Et celui des commerces locaux, du renouveau des filières courtes. Et la renaissance d’associations essoufflées d’animer un vide grandissant…
Cette énergie neutre en carbone ajoutée à l’éolien, au solaire et aux monumentales économies de gaspillage énergétique qu’il reste à mettre en œuvre massivement, pourrait nous épargner d’être tenus en laisse par des fournisseurs d’énergies fossiles peu recommandables ou de persister dans une filière nucléaire soumise à trop d’épées de Damoclès pour être pérennisée.
Soyons cependant vigilants, les prédateurs économiques habituels ont déjà repéré le bon plan !
Pourquoi fabriquer des pellets ici à partir des bois morts ou d’éclaircies alors qu’on peut les obtenir ailleurs à meilleur prix ? Voir les cargos qui commencent à affluer dans nos ports pour alimenter nos poêles ultramodernes… Et qui repartent chargés de nos meilleures essences qui reviendront comme meubles bons marchés sous les regards navrés de nos excellents menuisiers.
Et, se disent-ils, pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups en rasant des parcelles entières de bois utiles à mieux que d’être brulés et récupérer le terrain pour construire des fermes solaires ?
La World Company dans sa grande sagacité pour ce qui est des dividendes, a déjà compris où il lui fallait investir dans les nouvelles énergies pour continuer à nous faire les poches impunément. Son obsession du retour d’investissement à court-terme ne s’accommodera du bois et de son cycle de cinquante ans à minima, qu’en saccageant ce qui existe sans idée de suite, à l’identique de ce qui se pratique pour les énergies fossiles pompées jusqu’à épuisement. Quant à la dimension sociale, rions un peu. Jaune.
Nous ne pourrons pas profiter de l’énorme potentiel de la filière bois, couvrant construction, énergie, territoires, sans qu’elle ne soit immédiatement protégée du saccage par l’idéologie de marché libre. Pour cela, et comme pour bien d’autres décisions de bon sens, les dirigeants de notre pays devront enfin faire preuve d’un indispensable et puissant courage politique pour cesser de se mentir et de nous mentir par crainte de déplaire aux puissances d’argent qui ont profité de leur pusillanimité pour conquérir un pouvoir absolu sur nos vies.