Je poursuis ma réflexion sur l’évolution renversante des rapports entre les employeurs et les employés, surtout avec les plus jeunes, ceux qui arrivent des écoles.
L’évolution des jeunes générations est une tendance lourde qui ne s’infléchira pas et qui dessine déjà ce que sera le monde du travail de demain.
La mentalité de ces nouveaux venus s’est construite en réaction de ce qu’ils ont observé dans leurs jeunes années alors que leurs parents s’évaporaient dans les obligations professionnelles, par goût ou par dégoût, tout cela pour s’offrir le pavillon de leurs rêves télécommandés dans une banlieue loin de tout et en nourrissant les mêmes rêves de promotion sociale apparente pour leurs enfants qui n’en demandaient pas tant. Et qui à présent, au pied du mur, refusent ce jeu.
Les employeurs vont donc avoir à s’adapter à ce qui commence à être vécu comme une menace dans un grand nombre de secteurs d’activité.
Si certains d’entre eux s’accommodent bien d’un certain nomadisme professionnel de leurs employés, d’autres sont catastrophés.
Je pense surtout aux emplois techniques qui nécessitent une formation spécifique qui ne peut être dispensée à l’école que dans ses principes tant les machineries et les procédures sont propres à chaque entreprise. Une formation dispensée sur place, par ceux qui y travaillent. Circonstance aggravante, tous ces métiers s’exercent en général dans des milieux ressentis comme peu glamours, ateliers, usines, chantiers, parfois dans d’éprouvantes conditions de travail même si ce n’est plus du Dickens ou du Zola, tout est relatif.
Imaginez donc que pour attirer des gens qui privilégient leur qualité de vie avant tout, les convaincre de venir travailler avec des contraintes qu’ils jugent insupportables alors qu’elles sont souvent dues à la nature du métier exercé, il va falloir déployer une imagination cosmique et surtout renoncer à des manières de faire d’un autre temps, celui du chef qui a toujours raison et que, quoi qu’il arrive, il aura toujours raison. La barre est haute, dans le sillage des délires du management autoritaire qui prévaut encore un peu partout, sous des formes médiévales essentiellement dans les PMI/PME ou plus sophistiquées dans les entreprises plus importantes capables de mettre en place des organisations de type « 1984 » pour que rien n’échappe à leur contrôle, foin des gens qu’elles saccagent allègrement.
Côté employé, il est indispensable qu’ils appréhendent au mieux les contraintes natives des métiers qu’ils vont exercer après les avoir découvert, pour les accepter comme telles, ce qui nécessitera d’eux un très grand effort de compréhension. Et de l’employeur des explications claires et nettes.
Côté employeur, c’est bien plus compliqué. Une grande part d’entre eux n’a jamais connu la moindre formation à la gestion administrative, mais plus grave, à la direction des gens au travail. La plupart du temps, on agit d’instinct en commettant des erreurs souvent rédhibitoires sans seconde chance.
C’est sur la gouvernance des gens que l’effort devra être concentré. D’abord en reconnaissant les attentes de ces employés d’un nouveau genre. Ensuite en apprenant à établir des rapports constructifs durables. Je dis bien en apprenant car ce n’est pas évident pour tout le monde. Éducation même ici.
Il leur faudra faire confiance et cesser de s’immiscer dans la manœuvre des subordonnés.
Il leur faudra transformer chaque échec en enseignement pour progresser mais aussi pour assumer des erreurs de casting.
Il leur faudra apprendre à se connaitre pour contrôler les débordements de stress ou de colère qui ne devront plus s’apaiser au hasard sur celui qui passe dans le couloir au mauvais moment.
Cela fait beaucoup. Il est impératif de commencer une formation tout de suite et de la poursuivre régulièrement en se fondant sur des épisodes vécus qui pourront être démontés et expliqués. Pour ne pas refaire les mêmes erreurs et petit à petit, s’éloigner du commandement aux hurlements, apaisant de fait les relations tout en favorisant la confiance mutuelle, facteur principal de l’efficacité du fonctionnement de tout groupe humain. Éducation encore.

Toujours plein de bon sens dans ton propos.

J'ajoute simplement qu'il faut aussi modifier les dogme de l'enseignement, surtout celui qui se dit "supérieur" car les "mandarins" pensent encore les relations de travail en mode "monde d'avant", en diffusant à leurs étudiant qu'ils vont avoir des droits, issus de leur cursus, et des savoirs qui effaceront ceux, définis comme obsolètes, de leurs prédécesseurs. Belle façon d'enseigner et l'humilité, et l'intelligence d'une continuité des savoir-faire. Un peu de savoir être devrait aussi figurer dans les crédits d'enseignement>.

Bonsoir Daniel
Tu proposes d'abandonner le commandement. C'est fait depuis déjà un peu de temps au profit du management. De deux choses l'une donc : soit les managers ne sont pas bons, soit le management ne répond pas au besoin. Je penche pour cette deuxième solution !