On entend beaucoup parler en ce moment du revirement mental de la jeunesse vis-à-vis d’un monde du travail qui peine à se remettre en question pour s’y adapter.
Dans les milieux où je gravite habituellement, nombreuses sont les histoires de gamins qui, à la suite de brillantes études et après avoir exercé un temps le métier de leur rêve, fichent le camp voir ailleurs s’ils y sont, au grand dam de leurs parents et de leurs patrons qui n’y comprennent mais.
Le fossé est en effet immense entre les tenants du CDI à tout prix et de la loyauté à l’entreprise qui les nourrit, et ces nouveaux nomades surtout attachés au sens à donner à leur temps de vie tout autant qu’à sa qualité.
Il faut dire qu’après avoir été poussés à réaliser les rêves de leurs parents et de leurs profs, après avoir vu ces mêmes parents souvent galérer pour conserver coute que coute un boulot dont la seule qualité était d’exister et de remplir la marmite, il est compréhensible qu’ils n’aient pas du tout envie d’être piégés sur le même chemin !
Ceci dit, il s’agit de l’observation d’un certain type de jeunes, issus pour la plupart des classes les plus favorisées de la société.
Mais les autres, tous les autres, que font-ils, que pensent-ils ? Ceux dont les parents harassés par les contingences de leurs existences précaires ne peuvent qu’avoir le souci d’un immédiat menaçant et plus qu’incertain ? Ceux qui sont cantonnés dans leur monde, sans oser en sortir ou même en avoir l’idée, qui prendront le travail qui restera faute de candidats ou sombreront dans des moyens de survivre beaucoup plus marginaux et répréhensibles ?
Je n’ai pas une idée précise des proportions entre ces deux groupes, ni s’il s’agit d’une tendance profonde ou d’une vibration de la société qui pour l’instant, ne semble pas réagir à ce que je ressens comme une menace existentielle à l’encontre de nos devoirs à la servir pour qu’en retour, elle nous protège de sa masse et de sa puissance.
Ceux qui ont déjà sauté le pas et ne veulent plus jouer le jeu que le système économique dominant leur impose, sont-ils les éclaireurs d’un mouvement de fond qui touchera tout aussi bien et en son temps, d’autres moins réfléchis dans leurs choix parce que plus poussés par l’incompréhension des complexités labyrinthiques de notre société.
Je pense qu’il est urgent d’avoir une vision précise de ce qu’il se passe de façon globale et ainsi d’initier une réaction qui ne sera rien moins qu’un véritable changement de paradigme dans les mondes éducatifs et économiques : ils devront se remettre profondément en question pour s’adapter à ce qui semble être une tendance lourde.
Aujourd’hui déjà, certains de ces acteurs ont déjà appréhendé les dégâts causés par l’élitisme scolaire suivi en entreprise par un management à la schlague et commencent à réfléchir à la suite en admettant que les élèves ont leurs propres desseins et que les ressources humaines sont composées de gens dont il faut d’abord comprendre les aspirations avant de leur en imposer d’autres par la force.
La réaction des jeunes générations qui semblent de diverses manières, botter en touche, est le signe qu’elles refusent de grandir là où tout le monde est l’ennemi de tout le monde. La tendance à vouloir bosser de chez soi, relève tout autant d’un souci de qualité de vie que de la volonté d’échapper à des relations hiérarchiques devenues au moins, toxiques. Cette réaction touche tous les secteurs d’activités, même ceux qui ont une dimension collective et qui sont ainsi les plus menacés.
On dit souvent que l’Humanité est ainsi faite qu’elle ne se bouge que les deux pieds au bord du précipice. Nous sommes face à un défi qui permettra de vérifier si c’est vrai.