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Source : CNIL

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SUJET : La loi de Lynch

La loi de Lynch 03 Jan 2023 17:05 #2414

Qu’est-ce que le lynchage ? Wikipédia nous rappelle que cette pratique a été initiée à la fin du XVIIIème siècle dans ce qui n’était pas encore les États-Unis d’Amérique, par un planteur de Virginie, Charles Lynch (1736-1796), par ailleurs juge de paix et qui présida un tribunal irrégulier destiné à punir les gens loyaux à la Couronne Britannique durant la guerre d’indépendance. D’abord assez modéré dans ses sanctions, le lynchage poursuivit sa triste carrière dans les zones de non-droits ouvertes par la conquête de l’Ouest avant de devenir monnaie courante aux mains d’extrémistes racistes à l’encontre des anciens esclaves noirs, après la guerre de Sécession (1861-1865). Au point que le terme est passé dans le langage courant pour désigner tout acte de justice sommaire accompli par une foule débridée pour le malheur d’un bouc-émissaire.
La culpabilité de la victime ne tient souvent qu’au fait d’être au mauvais endroit au mauvais moment face à une foule dont l’extrémisme s’auto amplifie par phénomène de résonance, de petites causes entrainant de grands effets.
Ce qui caractérise en effet le lynchage est la disproportion abyssale entre la réalité d’une culpabilité et sa sanction et qu’il n’est fait aucune place à la défense. Le processus mène forcement au pire, même si d’évidence, rien ne vient le justifier. Comme si toute intelligence individuelle avait disparu au profit d’une crétinerie collective mortelle, sous l’emprise de la haine pure.
Le lynchage a été combattu aux USA par plusieurs lois bien tardives mais reste très présent sous ce fragile verni de civilisation, souvent résurgent, par exemple, lors des nombreuses bavures policières dont ce pays de violence est coutumier et durant lesquelles il suffit d’être coloré, et là encore, au mauvais endroit au mauvais moment pour subir le pire. Rien de nouveau sous le soleil.
Le mot a fait florès, une facilité utile pour évoquer le sort que l’humanité a depuis toujours réservé à ses boucs-émissaires, à ceux qui ne sont pas comme tout le monde, lorsque les sociétés ne sont pas suffisamment robustes et légalement armées pour les protéger. C’est pour moi la forme sauvage du fascisme avant qu’il ne soit paré de rituels qui ripolinent la haine de l’autre.
Chez nous aussi, certains peuvent se retrouver cloués au pilori sans trop savoir pourquoi, cibles d’une haine à la mode.
La foule déchainée portant la corde et poussant le pseudo-coupable vers l’arbre pour le pendre, qui avait au moins le courage de ses opinions, est devenu en nos temps de métavers, une meute virtuelle d’autant plus haineuse qu’anonyme, capable de déverser des tombereaux d’insanités et d’horreurs sur les gens qu’elle voue aux gémonies, sans le moindre risque d’être prise la main sur la corde grâce à la complaisance des opérateurs de réseaux sociaux. Cette infamie largement tolérée par les autorités pour des raisons qu’elles devraient être tenues d’expliquer, est en train de détruire systématiquement la cohésion sociale à la mesure de l’hégémonie de ces réseaux mal dits sociaux sur les jeunes générations. Aujourd’hui, les diatribes de comptoir de jadis infusent la planète entière et répandent une idéologie nauséabonde de repli sur soi haineux menant à considérer chacun comme l’ennemi de tout le monde, condition idéale pour le lynchage général et la promulgation de la loi de la jungle. Un monde de chasseurs-chassés.
Lorsque tout débat, la plus belle expression de notre intelligence native, est emporté par un tsunami d’anathèmes au profit de la non-pensée ou, un peu mieux, de la pensée binaire, on peut commencer à sérieusement douter de l’humanité. Cette tendance n’est pas nouvelle, elle est hélas aujourd’hui privée des espaces de réflexion qui permettaient de la contenir. C’est la loi de l’urgence du pouce levé ou baissé, 0 ou 1. Il suffirait d’un instant de réflexion pour ne plus participer à cette fête macabre en ne posant pas inconsidérément le doigt sur la case la plus attirante de l’écran.
Mais comment revenir en arrière alors qu’il est si facile de se laisser aller à la haine et si difficile de s’imposer une vision critique de ce qui nous pousse à réagir ? Tourner sept fois sa langue….
Comment s’en remettre à la Justice alors que son propre temps, infiniment étiré pour cause de négligence du pouvoir à son égard, la condamne à ne se prononcer que bien longtemps après la bataille ?
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