Qu’est-ce qui fait évoluer les sociétés humaines ? Vaste question aux multiples réponses, propres aux individus qui se la posent et dont le florilège donne une idée assez précise de la complexité du sujet..
Curiosité, ambition, peur, intérêt, tout cela à la fois et bien plus, que j’ose condenser en un besoin d’ailleurs, pris au-delà du sens géographique.
Évoluer implique une notion de mouvement et effectivement, notre pensée est vagabonde, c’est d’ailleurs une de ses caractéristiques majeures lorsqu’elle n’est pas bridée par un carcan idéologique accepté ou subi.
A son commencement, l’Humanité, alors qu’elle subsistait sur son environnement et que la survie au jour le jour était sa préoccupation majeure, elle bougeait sans cesse en petites hordes, se nourrissant aussi de changements auxquels elles devaient s’habituer avant, pensée aidant, d’anticiper ce qu’ils pourraient apporter de mieux. Le mouvement nourrit l’intelligence, un mouvement physique et mental couvrant tout le spectre de la connaissance du monde.
J’ose ici faire le parallèle entre le mouvement incessant de la pensée qui crée de la connaissance et celui des marchandises dont les échanges cristallisent la valeur. Le capitalisme de la pensée est préalable à celui des marchandises. Du fait de cette prééminence, nous pourrions échapper à la pensée économique unique en renversant les interdits artificiels qui nous l’imposent, sous peine de ne plus pouvoir nous en relever à force de la laisser la bride sur le cou alors que nous savons vers quel désastre elle nous mène.
Ce n’est pas gagné, le capitalisme sans freins générant un effet secondaire des plus dangereux pour les sociétés qu’il frappe de décohésion : l’individualisme.
La transformation des citoyens en consommateurs de n’importe quoi est une manière d’immobiliser leur pensée en la divertissant de son objet principal, la connaissance du monde, en la soumettant à une intense propagande dont je me demande comment ceux qui la construisent peuvent se regarder dans la glace de leur salle de bain, le matin, avant d’entamer une nouvelle journée de mensonges.
Aujourd’hui, la frénésie de circulations des biens matériels est telle qu’il n’est même plus nécessaire de fréquenter les temples marchands, tout est fait pour que vous soyez servis à domicile, en vous isolant encore plus d’autres gens avec lesquels, allez savoir, vous auriez pu comploter contre cette fatalité d’achats inutiles emballés dans des cartons accaparant – bien joué ! - les ressources en papier, support de pensées autres que mercantiles.
Venant au secours de leurs propres intérêts à immobiliser les clients pour qu’ils ne leur échappent pas, les plus puissants en sont même venus à imaginer des mondes virtuels pour détourner le besoin d’ailleurs à leur profit tout en tarissant les sources de rébellion ! Même si ces engeances virtuelles peinent encore à s’imposer, ne doutons pas qu’une bonne dose de propagande suffira à les faire passer pour le nec plus ultra de la mode et du chic au risque de voir disparaitre l’humanité dans les paradis artificiels. J’exagère ? J’ai bien peur que non vu notre goût de la transgression et la puissance de ce système qui nous rend la vie réelle de plus en plus impossible pour mieux nous piéger dans une vie ordonnancée par des programmeurs informatiques ! Comme des wagons sur les faisceaux d’une gare de triage.
Ces réflexions soulèvent une question épineuse : au-delà des propagandistes, la multitude de personnes, travaillant à la construction et au fonctionnement de la monstruosité décrite plus haut, sont-ils conscients de ce qu’ils font ? Et si oui, comment s’arrangent-ils avec eux-mêmes pour continuer ? Servitude volontaire ou non ? Piégeage dans un système qui interdit le « je préfère ne pas… » ? Je-m’en-foutisme ? Inconséquence ? Faut bien vivre ?