L’espèce humaine s’est distinguée du monde animal par la lente acquisition de la capacité à se représenter le monde et à l’expliquer en fonction de l’évolution des différents groupes humains.
Mais visiblement, ce développement n’était pas assez rapide pour certains qui proposèrent très tôt dans notre histoire, des variantes cosmogoniques toutes cuites, bien ficelées et prêtes à l’emploi.
Ainsi naquirent les religions qui transformèrent ces variantes en vérités révélées puis en dogmes.
Cette tentation de facilité opéra indifféremment du lieu et du moment, chaque groupe humain optant pour sa propre vision à l’exclusion de toute autre.
Pour nombre d’entre nous, un barbu dans les nuages ou diverses bestioles planquées sous nos pieds expliquent le pourquoi du comment des choses. Et si on ne comprend toujours pas, on s’en remet à la grande obscurité des intentions des créatures divines susnommées, avec bien sûr l’aide bienveillante de leurs thuriféraires armés jusqu’aux dents !
En fait, si l’on pouvait pénétrer les cervelles, on verrait bien que peu sont dupes de tout ce fatras et que la peur de ne pas faire comme tout le monde renforcée par la flemme de chercher à comprendre, commandent de ne rien remettre en question.
Ce genre de processus ne sévit pas seulement en matière de cosmogonie, mais aussi en matière sociétale lorsque le comportement des gens échappe aux réponses à des contraintes naturelles pour s’en inventer d’autres, connues sous les noms de traditions et d’idéologie. Encore du prêt à penser en forme de loi d’airain.
Le plus bel exemple récent de ce tropisme est cette croyance qui prétend que l’idéal social du monde est le grand marché libre entre individus libres, que ce marché s’autorégule de lui-même, que tout est pour le mieux dans le meilleur monde possible ! Imposture et mensonge ! Qui peut croire de telles âneries alors que nul n’ignore que les humains, prédateurs ultimes sur cette planète, ont une tendance naturelle à la violence et à l’accaparement et que cette croyance folle écarte d’un revers de main la capacité de la société, transcendance des individus, à s’y opposer. C’est l’officialisation de la loi de la jungle telle que vue par les humains, bien plus cruelle que celle qu’on prête au monde animal. C’est l’élimination de toutes limites à nos comportements. Open bar, si j’ose ce raccourci festif !
Heureusement, depuis l’aube des temps, certains d’entre nous ont tenté avec courage de trouver des explications au monde, en observant les phénomènes pour les théoriser et savoir les reproduire sans fuir les débats et les réfutations. Ce courant s’est amplifié avec le temps en parallèle de l’évolution des croyances, pour devenir la science que nous connaissons, fondant notre univers matériel qui ne pourrait pas exister sans elle. Science dont la rationalité et la réfutabilité tourne radicalement le dos à toute notion de dogme au profit de l’incertitude.
Et pourtant, malgré la multitude de preuves concrètes de sa robustesse, la science est sans cesse contestée par les croyances dont le génie est de savoir se passer de quelques preuves que ce soit : elles sont, point à la ligne. En ce sens, tout individu, pouvant tout affirmer, devient Dieu.
Mensonges et impostures ont trouvé en l’internet, un outil exceptionnel pour se répandre comme la peste et saccager comme jamais les sociétés humaines. Internet, pur produit de la science la plus avancée au service de l’obscurantisme le plus crasse. En même temps.
Ceci dit, comment expliquer une telle déroute de notre intelligence ? On peut toujours prétendre que la bataille ne se livre pas sur le même terrain, il ne semble pourtant pas que notre esprit soit partagé comme un disque dur d’ordinateur, j’imagine que c’est un continuum, non ? A moins qu’il ne soit multidimensionnel ?
Car, comment expliquer que de grands scientifiques puissent être de grands croyants ? Dans certaines circonstances, il le fallait pour sauver sa peau, mais à présent, sans contraintes ? Un esprit rationnel, rompu aux débats et aux réfutations, peut-il accepter des vérités révélées ? Peut-être l’esprit est-il de nature quantique, planant ici ou là de manière indéterminée, sur différents champs, d’autres dimensions ? Pourquoi pas. La chose, indémontrable pour l’heure, garde son mystère.

Beau sujet d'interrogation. Je vais y apporter ma réponse (celle d'un littéraire pour qui la science reste souvent obscure). Le "grand barbu dans les nuages", quelle que soit le nom qu'on lui donne, permet à certains de garder la tête hors de l'eau quand tout va mal. Pour ma part, je l'appellerai "espérance".
Et je crois que les scientifiques ont eux aussi besoin d'espérer, de croire en des jours meilleurs lorsque l'horizon s'obscurcit, de croire qu'en dépit des difficultés, leurs recherches participeront à l'atteinte de cet objectif. Idée simpliste, penseras-tu ! Peut-être...