Récemment, en vue de sensibiliser le plus grand nombre aux dangers que nous courrons en n‘agissant pas immédiatement pour ralentir puis arrêter le saccage de notre planète, des militants écologistes radicaux se sont introduits dans des musées importants pour asperger de peinture plusieurs œuvres d’art emblématiques, connues de tous.
Ce type d’action trouve son origine dans le mépris que le système en place oppose à toute forme de critique sur ses conséquences attendues, mettant en question la survie même de notre civilisation. En réponse à ce je-m’en-foutisme délirant, je ne suis pas étonné par l’apparition de réaction aussi radicales menées par des groupuscules de plus en plus nombreux et déterminés dans leur volonté de frapper avec force une opinion publique endormie par l’hédonisme frelaté fruit d’une propagande éhontée.
Si je comprends bien cette tentation de frapper de plus en plus fort pour sortir le monde de la torpeur, il me semble que le moyen décrit plus haut soit contreproductif, même si pour l’instant, les œuvres visées aient été protégées depuis longtemps contre toutes formes d’agressions. La radicalité étant ce qu’elle est, sans limites, le pire est à venir.
Ce qui est exposé dans les musées appartient à la collectivité, à la différence de ce qui est phagocyté par les grandes puissances financière dans le seul but d’accumuler encore plus de richesses ou de spéculer dans le même but, privant des œuvres majeures de l’exposition publique qu’elles méritent.
S’attaquer à ce bien collectif, né de ce que l’esprit humain est capable de mieux, de plus détaché du motif de l’action, peut frapper les esprits au premier degré, et alors ? On fait un petit buzz autour des vilains asperseurs sans pour autant approfondir leurs motivations. Pire, on instille l’idée perverse que l’art est un moyen de pression sur les riches, que la valeur marchande d’un tableau de Van Gogh est bien supérieure à sa valeur humaine, on encourage les autorités à tout protéger contre tous, à ériger des barrières partout, en confortant la paranoïa sécuritaire.
Le geste artistique est gratuit, c’est l’élan d’un individu vers son idéal de beauté et d’harmonie, un message envoyé vers ses semblables qui résonneront et s’accorderont ou pas. Ce qui ne devrait être qu’émotion a hélas été transmuté dès que ce message artistique appelé à l’échange avec autrui a de ce fait dans notre système économique, acquis une valeur, le changeant de fait en marchandise.
Ici, on s’attaque au symbole de ce que l’homme a fait de plus beau pour combattre ce qu’il fait de plus affreux. Mais cela n’anime que les gazettes, surtout numériques au prix contradictoire d’une débauche colossale d’énergie, certainement pas les vrais responsables du marasme ambiant, partisans, eux, de l’anonymat prudent des portes fermées.
Cet acte militant est aussi la manifestation d’un abandon de l’action pédagogique intense qui devrait être déployée pour fonder une réflexion générale constructive. Bien plus difficile à mettre en œuvre, moins glamour dans ses effets immédiats et pourtant seule manière de consolider une exigence de changements sans excès bloquants. Comme ceux-ci.
Le militantisme coup de poing ne réveille pas ceux qui le sont déjà, révulse ceux qui ne perçoivent pas son sens au second degré et indiffèrent leurs cibles véritables exceptionnellement étanches à toutes remises en question. Il ne permet ainsi pas d’ouvrir un débat qui nécessite au moins deux interlocuteurs de bonne volonté !
Je préfèrerai que l’école de la République forme les futurs citoyens à l’esprit critique et leur apprenne en détail comment fonctionne le système capitaliste sans occulter ce qu’il devient aux limites. Sa contestation serait ainsi homogène et isotrope à la société toute entière.
Des cours d’économie à l’école primaire, vous n’y pensez pas ! Que deviendraient les militants écologistes ?

Bonjour Daniel
J'ai lu avec intérêt ta chronique qui m'inspire une réflexion. Les actions militantes des écolos qui aspergent de sauce tomate ou de purée des tableaux de maître me rappellent furieusement les destructions de statues par le Talibans. Les médias, les hommes politiques dont probablement quelques Verts ont alors beaucoup glosé sur l'obscurantisme. Aujourd'hui, silence radio !
La pseudo-défense de la planète n'autorise pas tout. Je dis pseudo car, au lieu de s'en prendre à l'Art, nos braves militants écolo devraient se pencher sur le tourisme spatial, le commerce international avec des Etats peu scrupuleux en matière d'écologie...