Le marasme général qui squatte les premières pages de nos gazettes a le mérite de mettre en pleine lumière un certain nombre de conséquences d’un système économique que nous avons laissé aller la bride sur le cou, sans nous soucier un instant de l’orienter, de le guider et de le contrôler.
Il faut dire qu’il joue de son charme avec un talent de bateleur obstiné promettant la Lune et nous fait rêver à des jours meilleurs depuis des lustres. Si cela a pu marcher quelquefois, dans des contextes différents, il nous mène maintenant à la catastrophe, à la manière du joueur de flûte de Hamelin.
Pleine lumière est faite sur le véritable détournement de biens sociaux opéré par nombre de grandes entreprises et d’individus implacables qui rusent avec le fisc, parce que cela devient si énorme qu’il faudrait être totalement stupide pour ne pas s’en apercevoir ! Et idiot de ne pas s’en offusquer.
Pleine lumière est faite sur les excès de la cupidité de certains, qui frise le crime contre l’humanité en ne voyant aucun inconvénient à priver leurs semblables d’une vie décente en vidant leurs poches pour remplir les leurs et jouir de la vie sans entraves, tordant au passage le bras à l’idée de liberté.
Pleine lumière est faite sur la pusillanimité de nos dirigeants sans vision d’avenir ni plan, sans plus d’ambition que d’être réélus, dont l’absence de courage politique a permis entre autres errements, la casse de nos savoir-faire, la dérive de nos enseignements, l’évaporation de nos principes.
Pleine lumière est faite sur l’égoïsme d’autres qui mènent des combats aussi honorables que légitimes sans admettre qu’ils puissent ainsi infliger à leurs semblables, incertitude et précarité faute d’avoir imaginé d’autres moyens de mener leurs luttes.
Pleine lumière est faite sur le dévoiement de l’économie de marché, celle de l’offre et de la demande où il suffit d’organiser une pénurie pour multiplier des bénéfices indus.
Cela fait beaucoup. Mais cela explique que le prix du MWh électrique ait pu être multiplié par des nombres à deux chiffres, que les pompes à essence crachent un liquide plaqué or, que certains ont des salaires de centaines de SMIC, que d’autres en viennent à se faire haïr pour les conséquences d’actions pour eux légitimes mais pour d’autres, nombreux, catastrophiques, que des rayons soient vides de marchandises pour qu’elles puissent revenir, attendues, mais deux fois plus chères,…
Une telle accumulation d’avanies va finir par ramener les individus-rois patiemment construits par le système vers ce qu’il craint le plus, les luttes collectives de grande envergure.
Et c’est plus qu’urgent, tous ces abus qui nous pourrissent la vie tournent le dos à ce qui devrait tous nous préoccuper au plus haut point, y compris les pillards : notre vaisseau spatial se déglingue à toute vitesse en partie à cause de nos excès et nous n’en avons pas d’autre. Tous, nous serons entrainés aux abysses dans son naufrage. Tous, la collectivité ultime.
Une certaine prise de conscience n’est pas encore suivie d’effets concrets par l’économie qui tente de se réorienter tout en conservant farouchement les mêmes modèles délétères pour ménager les profits et surtout ne pas menacer la sacro-sainte croissance. A croire que la loi de conservation de la matière n’a pas cours dans cet univers-là ! Continuer à croitre, alors qu’on commence à admettre que nos ressources sont finies, est une pure aberration : il est urgent de s’arrêter, pas de continuer comme avant ! Méthode Coué et mensonges à tous les étages.
C’est bien beau de râler, on fait quoi, alors ?
Eh bien, on se prépare à renoncer, à admettre que nous ne sommes pas tout-puissants ! Nos excellents publicitaires, ceux qui continuent à vanter des SUV géants, mais bien sûr, électriques, ou des voyages mirobolants au bout du monde, devraient déployer leurs talents au service d’une pédagogie de la décroissance qui ne doit plus être un gros mot banni des écoles de commerce ! Pour nous sortir de l’incohérence et de la contradiction, pour nous ramener au bon sens et à la décence commune.