Vous avez pu constater que je m’intéresse beaucoup aux questions de défense et à tout ce qui tourne autour. Les gens, les organisations, les moyens.
Parmi les moyens, figurent en très bonne place, les armes. Je vais donc parler des armes même si ce n’est pas bien du tout. Mais elles existent et je doute qu’elles disparaissent par miracle : moins biodégradables que l’espèce humaine, elles lui survivront, à la grande curiosité des archéologues à tentacules et scaphandre venant par hasard d’Alpha du Centaure.
Je vais le faire dans la perspective de ma conviction qu’un peuple en arme est la dissuasion ultime (cf. « Le peuple en armes » du 24 mars 2022), comme les Ukrainiens sont en train de le démontrer par le lance-rocket anti-char et le cocktail Molotov.
J’ai eu l’occasion de côtoyer nos forces armées depuis des décennies. J’ai observé leur évolution avec inquiétude comme elles passaient d’une force de conscrits à une force de professionnels. A l’identique de très nombreux pays dans le monde.
Cela n’a pas fait baisser pour autant le niveau de violence interétatique, on massacre à tout va un peu de partout. Mais une autre conséquence de ce basculement me parait rédhibitoire dès qu’on passe de la traque aux va-nu-pieds fanatisés à la guerre intense et sans limites.
Il s’agit de la sophistication des armements et des équipements de toutes natures.
Le soldat de 2022 n’a plus rien à voir à celui que je fus à partir de 1974.
Côté positif, une tenue que les randonneurs aguerris pourraient leur envier, des sacs qui ne cassent plus le dos, des chaussures vraiment adéquates, des protections et des casques bien plus rassurants. Ceux de 2022 regardent avec effarement les tenues de ceux de 1974 et je ne parle pas de 1914 ! Jusque-là, rien à dire, au contraire, un peu de considération pour ceux qui vont se faire tuer pour nous. Cependant, tout cela est déjà bien difficile à fabriquer, quid le passage à une échelle de mobilisation générale ? Ah ? On n’en parle plus, de la mobilisation générale ?
Ça se gâte ensuite, ça se complique sévèrement pour des ustensiles et engins qui envoient les mêmes balles et obus qu’il y a des lustres. L’électronique s’est imposée partout, les piles et batteries sont omniprésentes, on voit même la nuit, plus moyen de se reposer ! Dans l’organisation actuelle du commandement au feu, le fantassin doit au moins avoir un bac+2 pour utiliser pleinement tout ce dont il dispose ! Bien sûr, il sait toujours où il est, GPS oblige, ses chefs aussi, il sait où sont ses amis et ses ennemis grâce à sa tablette omniprésente et hypnotisante.
Ne parlons pas de l’artillerie dont le moindre canon ou lance-rockets multiple est une usine à gaz dont les performances ne sont pas contestables dans leur domaine d’emploi.
Le sommet des sommets, c’est l’aviation. Alors là, nos industriels se sont surpassés ! Des appareils tout à fait extraordinaires, capables de tout en bons couteaux suisse !
Très bien tout cela, mais à la lumière d’un conflit tel que celui qui squatte les chaines d’infos en ce moment, on se pose quelques questions embarrassantes.
Dans ce genre de combat open bar, nos forces et tous leurs beaux matériels seraient consommés en quelques jours ou au mieux en quelques semaines. Et après ? Pays ouvert ? Comment armer les centaines de milliers de volontaires qui se presseraient (ou pas ?...) pour garantir notre liberté ? Les protéger au mieux ? Les commander de manière intelligible ?
A ce moment il ne sera plus temps de regretter d’avoir déliré dans la sophistication sous les coups du formidable lobbying d’industriels compétents mais ne devant pas dicter une politique de défense à travers les matériels qu’ils parviennent à imposer.
Aujourd’hui, quoiqu’on pense, la France est totalement incapable de se défendre d’une agression du type de celle perpétrée par la Russie contre l’Ukraine. Ce ne sont jamais les meilleurs qui gagnent, mais les plus nombreux. Les choix technologiques doivent être adaptés à ce constat éternel. Les moyens industriels aussi, encore faut-il en avoir ! Aujourd’hui, nos fusils sont allemands ! Et les munitions…
Ceux qui nous défendent doivent disposer du meilleur pour survivre et bien se battre à condition que ce qui leur est fourni soit fait maison et durable dans les pires conditions, surtout si on n’a plus de piles ! Nous devons faire simple, facile à fabriquer à grande échelle par des gens non spécialisés.
A croire que les leçons des précédents conflits mondiaux ont été oubliées. Le jour de l’entrée en guerre des USA en décembre 1941 a signifié la fin des espoirs des forces de l’Axe. Cette puissance industrielle capable d’une réactivité, d’un pragmatisme et d’une standardisation extrêmes, a pu fournir largement ses armées et celles de ses alliés en un rien de temps, contrairement à l’Allemagne empêtrée dans des sophistications inutiles et une absence de vision industrielle globale avant 1943 !
Le nouveau président de la République prendra-t-il le taureau par les cornes : soit on revient vers le peuple en armes, soit on se déclare pays ouvert. Soit on résiste, soit on collabore honteusement. Soit on fait simple, soit on poursuit la course au compliqué et bien sûr, cher. Et rentable pour certains.
Question d’idéologie dominante. Mais question de vie ou de mort pour notre pays et ses habitants.

Bonjour Daniel
Chronique intéressante et, cette fois, je vais réagir pour en approuver le contenu. La sophistication, c'est bien, mais le robuste et le pas trop cher gardent tout leur intérêt en cas de guerre. Jusqu'à ce jour, personne n'a jamais gagné un conflit avec des smartphones ou des joysticks. De surcroît si les piles et les composants électroniques sont fabriqués par l'adversaire ! Quant à tes voeux pour la prochaine Présidence, celui qui fait la course en tête ne prêche que par le numérique et les "Licornes". Remettre les hommes au centre du dispositif ne me parait pas être pour demain.