Je participe depuis un certain temps à diverses actions visant à établir le contact entre les gamins qu’on incite à se déterminer très tôt sur leurs choix de carrière et le monde du travail dont les besoins et tendances varient en fonction de l’évolution de la société, de plus en plus vite. Le grand écart !
Une fois les mains dans le cambouis, je me suis rendu compte de la difficulté de l’exercice : rendre compatibles des choix prématurés débouchant sur des formations longues et formelles d’une part et des besoins en personnels compétents qui changent avec les tendances du moment revient à vouloir marier l’eau et le feu !
Il est cependant fort intéressant de montrer aux gamins sommés de se déterminer sur leur avenir, qu’il existe bien d’autres métiers et activités différents de ceux dont rêvent pour eux parents et professeurs. Juste pour semer quelques graines qui germeront en leur temps et tenter ainsi de leur éviter les fausses routes, c’est déjà ça…
La limite de l’exercice est que leurs préoccupations sont encore à mille lieux de là mais aussi étrangères à celles du système économique qui cherche obstinément à anticiper ses futurs besoins à l’échelle d’années alors que son fonctionnement usuel se vautre dans le court-terme le plus inconséquent !
C‘est pourquoi depuis de nombreuses années on observe la croissance d’un fossé permanent entre l’offre et la demande de compétences pour cause d’incompatibilité temporelle.
Un autre constat me préoccupe cependant.
Dans le but d’élever le niveau général d’instruction de ses habitants, notre pays consacre beaucoup de moyens aux formations supérieures, celles qui mènent à des études post-bac réputées prestigieuses. Et beaucoup moins à celles des gens qui seront dans le futur les vrais créateurs de valeur, au premier degré de la nécessité.
Encore un paradoxe lié à l’abandon de la production locale de richesses dans le but de l’exporter et de jouer sur les disparités sociales entre pays pour faire encore plus de profits.
Dans une perspective de plus en plus prégnante de pénuries diverses notamment énergétiques, le tout mâtiné de désordres climatiques et sociaux, le retour de bâton risque d’être assez cinglant. Lorsqu’on s’apercevra que tous ceux qu’on éduque à servir le système sans états d’âme (« Et la morale ? » du 25/11/2021) sont totalement infichus de produire quoi que ce soit de matériel et que former en masse les opérateurs indispensables à l’animation des moyens de production prendra des années, l’impasse sera totale. Difficulté supplémentaire, il faudra renverser la propagande pour ramener les jeunes vers les métiers de production et surtout cesser de leur promettre des clopinettes en échange de leur temps de travail. Restera alors à retrouver ou réinventer des savoir-faire oubliés ou perdus et à former daredare les formateurs ! Pas le moindre des problèmes !
Nous devrons enfin admettre qu’il n’y a pas de sots métiers, seulement des aprioris ou des idées reçues, que souvent les tâches les plus simples sont les plus fondamentales pour la société même si elles ne sont pas très glamours. Et qu’elles doivent être rémunérées à la mesure de leur importance.
C’est pourquoi je pense que notre système éducatif et d’instruction doit être en priorité orienté au moins jusqu’au lycée vers l’acquisition de la caisse à outils d’humain permettant à tout un chacun de vivre en bonne intelligence avec ses semblables en comprenant les enjeux de la société sans se laisser berner par les enfumages de toutes sortes qui mènent le plus souvent à des impasses.
Le nombre croissant de jeunes qui abandonnent leur voie initiale au bout de quelques années d’exercice pour revenir à une activité plus en phase avec leurs aspirations trahit cet effet ciseaux dommageable à la société toute entière.