Nous avons tous entendu parler de l’ascenseur social, certains d’entre nous en ont certainement bénéficié, peu ou prou.
Cette expression valise recouvre un ensemble de dispositifs permettant à tout un chacun d’accéder à des études et des métiers autrement intouchables faute d’appartenir à une caste, à une élite ou à je ne sais quel truc fermé à tout autre qui n’en fait pas partie.
C’est un des moyens de se sortir d’un destin tout tracé si on s’en tient à la fatalité et à la tradition qui pèsent sur chacun d’entre nous, un moyen de faire le pas de côté qui ouvre à d’autres horizons.
Et ça a marché à en juger le brassage et l’élévation du niveau de formation poussant à l’évolution permanente de la société.
Ça a marché et cela ne marche plus guère, individualisme et communautarisme aidant, le tout aggravé par les manœuvres incessantes de certaines castes inventives en obstacles divers et variés, qui sont même parvenues à transformer l’ascenseur en corde à nœuds, obérant de fait les chances des moins déterminés et des plus défavorisés, de pouvoir exprimer leurs talents.
Une société digne de ce nom se doit, pour son propre intérêt, d’offrir à ceux qui la composent un espoir réel d’évoluer à titre personnel et de toucher à une vie meilleure dans une compréhension du monde élargie.
Il est facile de comprendre ce qui a pu permettre à certains de briller en dépit de circonstances défavorables, il suffit de s’intéresser à leurs biographies, merci Wikipédia, d’écouter ou de lire leurs témoignages.
Il en ressort une grande constante : même si cela se passe toujours dans le cadre de ce que la société du moment peut offrir, ces gens n’ont pu s’écarter du destin promis par leur naissance, que grâce à des personnes qui leur ont fait confiance ou qui les ont poussés à se bouger, à profiter de toutes les opportunités d’évolution, fut-ce au prix d’un travail acharné et de maints sacrifices. Mais qui étaient toujours là pour eux, comme une conscience externe, comme une boussole, comme un coup de pied au derrière permanent…
La société peut bien inventer tout ce qu’elle veut pour aider ses membres à progresser, elle ne sait le faire qu’au travers d’institutions, de dispositifs, de trous de souris et de barricades, qui enterrent ses bonnes intentions en offrant à certains l’occasion de réorganiser un chacun chez soi de caste qui remet les pendules à zéro. Au mieux, ces machins impersonnels ne sont que la première étape.
Je crois que l’ascenseur social dépend principalement d’une rencontre opportune entre individus où l’un qui a remarqué l’autre, lui offre l’énergie et la motivation pour quitter une piste tracée d’avance. Nous nous souvenons tous d’un instituteur, d’un professeur, d’un voisin, que sais-je encore, qui était parvenu à nous pousser à sortir de nos timidités et autres pusillanimités.
C’est hélas extrêmement regrettable à notre époque marquée par une idéologie néolibérale pesante menant les gens à considérer tous les autres au moins comme des concurrents, sinon des ennemis dans l’accomplissement de ce qu’ils veulent faire. Dans ce contexte, qui prendra le risque d’aider son prochain ?
Le déclin de l’ascenseur social ne dépend que de nos bons vouloirs à l’animer de nouveau en cessant de nous regarder le nombril et à croire que nous sommes omniscients et omnipotents, en renouant avec ces gestes d’encouragement peu couteux mais si précieux pour qui ils seront l’impulsion initiale.