Dans l’immense domaine des exactions commises dans le secret des familles et des gens, l’inceste est en train de rattraper les violences conjugales et la pédophilie en matière de locomotive médiatique.
L’heure, bien tardive, est au grand déballage et des « affaires » sortent à gros bouillons, l’une poussant l’autre dans un tintamarre accablant les victimes épuisées de n’avoir pas pu se faire entendre plus tôt.
Il est bien difficile de savoir ce qui se passe derrière les portes palières bouclées à double tour, Big Brother n’y a pas encore installé de télécran.
En ce moment, nous sommes amenés à croire que le pire est quotidien avec tous les excès que cela suppose en matière de pilori instantané. Chacun y va de sa solution et de ses anathèmes, la période devenant particulièrement amère pour les hommes, principaux coupables en la matière, au risque de les mettre tous dans le même sac.
Il est heureux que les victimes trouvent enfin de l’aide pour sortir de leur enfermement même si elles doivent s’accommoder de la frénésie du passage de l’ombre à la lumière.
Cependant, pour comprendre les raisons du chemin parcouru par notre société, il est capital de savoir comment et pourquoi on en est arrivé là, à toutes ces violences, qu’elles soient physiques, morales ou sexuelles.
Je ne doute pas une seconde que les maux dont nous parlons ici aient de tout temps frappé les humains dont une partie plutôt misanthrope semblant ne pas supporter l’existence des autres le dispute à d’autres, beaucoup trop philanthropes pour ne pas franchir les frontières de l’indécence et de l’ignominie.
Je crois que d’une manière générale, au-delà de problèmes mentaux individuels, ces errements surviennent dans des situations de dysfonctionnement social, lorsque les individus sont livrés à eux même dans leurs relations avec les autres, lorsque la société ne parvient plus à définir la notion d’intérêt général pas plus que celle de décence dans les relations entre individus, lorsqu’elle ne les protège plus, minée par des forces centrifuges.
Ces notions basiques devraient, à mon sens, faire partie de la caisse à outils d’humain que l’éducation devrait petit à petit constituer pour chacun. Je parle souvent de cette caisse pleine de merveilles, remplie d’outils forgés par les parents, les enseignants et bien d’autres gens de bonne volonté, durant les premières années de la vie, celles où on apprend à évoluer parmi les autres sans conflits ni peurs.
Celui qui tue sa femme parce qu’elle a raté la mayonnaise, celui qui viole des enfants, les siens ou d’autres, ceux qui ne se mettent pas vigoureusement en travers de tels comportements, ont aussi raté une étape fondamentale dans la construction de leurs personnalités. La caisse à outils est vide.
Il reste une question qui ne vous a pas échappé : de qui apprend-on qu’il ne faut pas tuer ni blesser, pas violer ni harceler, pas insulter ou humilier, pas voler ou escroquer les autres, et j’en passe ?
Les familles ? Bien sûr, mais elles sont aujourd’hui minées par d’innombrables difficultés allant croissant avec l’emprise de l’individualisme néolibéral matinée d’insécurité économique permanente.
Les religions ? Oui, elles ont fait fonds de commerce de morale et d’interdits d’un côté tout en poussant au pire de l’autre pour des raisons d’exclusivité : elles ne sont donc pas crédibles dans ce rôle.
En fait, et ne tournons pas autour du pot, c’est la société dans laquelle on évolue, qui doit établir un ensemble de règles pour que membres coexistent et cohabitent dans son intérêt et le leur, quelles que soient leurs opinions, leurs religions, leurs convictions. Les institutions qui enseignent et garantissent le respect de ces règles doivent aussi se recentrer sur cette mission majeure, unique préalable à tout progrès du respect des uns envers les autres.
Il est plus qu’urgent de revenir à cette caisse à outils qu’on a laissé bien légèrement se couvrir de la poussière des illusions perdues.