Ce qui vient d’arriver à Aung San Suu Kyi est exemplaire. Il suffit de se souvenir de ce qu’avait dit Winston Churchill à Neville Chamberlain en mai 1940 : » Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre «, pour constater que les leçons du passé restent trop souvent lettres mortes !
A s’allier à la junte militaire inamovible qui oppresse son pays depuis des décennies, de manière contre intuitive et en pleine connaissance de cause par ce qu’elle en a subi par le passé, Aung San Suu Kyi et ses partisans découvrent que la fréquentation du Diable se fait toujours à son avantage !
En imaginant qu’elle parviendrait à faire évoluer ceux qui goutaient depuis si longtemps l’ineffable bonheur d’un pouvoir total et sans partage, elle n’a fait que se bruler les ailes et se discréditer aux yeux de tous ceux qui la soutenaient alors qu’elle luttait telle le pot de terre contre le pot de fer.
C’est de cette illusion qu’il faut se méfier ! A trop côtoyer le pire, on finit toujours par y succomber, soit en disparaissant purement et simplement, soit en s’y livrant.
Ceux de la junte, et par extension toutes les cliques, militaires, religieuses, économiques, ont une conception du monde si étrangère à ceux du commun des mortels, qu’il est insensé d’imaginer pouvoir les influencer avec toute autre philosophie que la leur. Ils sont imperméables à tout sauf à leur intérêt immédiat, celui de leur maintien dans cette position si avantageuse, qu’ils savent si bien rendre inexpugnable à coup de corruption ou de répression. Ils sont fous de leur certitude d’avoir raison contre tout.
Aung San Suu Kyi a tenté le coup et la voici aujourd’hui déshonorée et emprisonnée à nouveau. Tout ça pour ça.
Mais ne nous moquons pas trop d’elle car nous avons, nous aussi, sombré dans les mêmes errements après avoir été confrontés aux mêmes tentations.
Corrompus par le clinquant d’un système économique à sens unique, nous découvrons, atterrés, qu’il conduit notre monde à sa perte en pompant toutes ses ressources jusqu’à la moelle sans que nous sachions au moins comment le contrôler faute de savoir l’arrêter. Il est déjà bien tard pour lui opposer des solutions même pas encore imaginées.
Dans ce même monde déjà affligé, certains croient dur comme fer que leur esprit de bisounours saura contenir les visées hégémoniques des mafias religieuses du moment en oubliant que leurs calendriers nous sont étrangers et leur rejet de nos valeurs non négociable !
Comme Aung San Suu Kyi, nous sommes emportés par un courant impérieux qu’on ne combat pas en ramant vainement pour tenter de rejoindre une rive incertaine, mais en construisant de puissants barrages. Reste à en avoir la volonté. Et là …
Je pense à la récente tentative d’un maire du sud de la France, de baptiser le collège de sa ville du nom de Samuel Paty, parfait représentant de l’esprit de notre République, victime récente d’une folie totalitaire répandue par des salauds qui profitent de notre égarement sociétal pour se tailler une impensable capacité de nuisance. Que croyez-vous qu’il arriva ? Eh bien, on se ligua contre cette idée saugrenue au prétexte qu’il ne fallait pas provoquer les fous de Dieu !
Ça alors ! Ils ont donc déjà gagné, les fous de Dieu ? Eh oui, les bien-pensants déboussolés imaginent ici aussi que s’allier objectivement avec les salauds les sauvera d’un sort funeste ! Ils ne font que leur ouvrir un boulevard alors qu’ils devraient y ériger des barricades !
Si seulement ce qui arrive en Birmanie pouvait ouvrir les yeux des français, et de leurs voisins aussi, d’ailleurs …