En observant attentivement ce qui ressort de la vie politique passée et présente de notre pays ainsi que de bien des États alentour, j’ai l’impression pénible que les régimes fondés sur la démocratie ont une fâcheuse tendance à dériver et à adopter une forme et des usages qui les en éloignent de plus en plus sous l’effet de mécanismes assez sournois pour ne pas sauter aux yeux.
En premier lieu, la démocratie représentative supporte mal l’inflation démographique qui coupe de fait les électeurs de ceux qui les représentent et dont les préoccupations divergent assez vite une fois l’élection passée.
Ce constat a aussi pour conséquence la quasi disparition du débat citoyen trop compliqué à organiser et dont les résultats ne parviennent plus à faire émerger des tendances claires, perdues qu’elles sont dans les multitudes de petits combats locaux qui peinent à s’élever à un niveau sociétal, ou le plus souvent, dans la contestation du gouvernement en place, quelle que soit la question posée..
Ensuite, le contexte pèse lourdement sur les préoccupations des électeurs qui attendent des actions immédiates aux effets instantanés sur leur vie quotidienne, bien loin devant les grands projets porteurs de progrès à long terme aux conséquences trop lointaines pour les amener aux urnes.
Ajoutons à cela la concurrence effrénée de toutes les diversions offertes dans son plus grand intérêt par le modèle néolibéral sans frein dans lequel nous baignons depuis des décennies, l’individualisme, l’insécurité sociale et le poids de la pensée unique pour faire bonne mesure.
Le tout bien mélangé forme un cocktail détonnant et inquiétant.
Les gens ne s’intéressent pas à la politique qui ne leur apporte plus rien, qui s’est discréditée à force de mensonges et de renoncements, de promesses non tenues, de capitulation sans conditions face aux puissances économiques transnationales, indifférence qui ouvre un boulevard au premier bateleur venu qui leur promettra la Lune en les caressant dans le sens du poil !
Le gens ne s’intéressent plus aux débats d’idées, obsédés qu’ils sont par la peur de lendemains qui ne chantent plus du tout, traversés de terrorismes de tous bords, de risques pandémiques avérés, de perspectives écologiques épouvantables à la fois craintes et déniées, de déclassement chronique, etc., qui n’hésitent pas une seconde à renoncer à leurs libertés pour plus de sécurité au risque de se livrer pieds et poings liés au premier fou de pouvoir venu !
Les peuples de nombreux pays dont le nôtre, se laissent embarquer sur une pente fatale qui les mènent droit dans les pattes de personnages providentiels qui vont les précipiter vers le pire en les berçant de bonnes paroles, quitte à détruire tout ce qui avait été mis en place pour éviter ce genre de catastrophe dont le souvenir perdu de l’histoire récente ne nous protège même plus.
Partout montent en puissance des individus sans scrupules qui entrainent leurs pays vers des extrémités pourtant connues et redoutées, qui sont déjà parvenu ou vont parvenir au pouvoir en usant des institutions démocratiques dont la finalité aura été ainsi violée avec la complicité de tous.
Réfléchissez un instant, vous saurez bien vite de qui je parle sans les nommer !
Mais, dans une démocratie, même imparfaite, peut-on s’opposer à la volonté souveraine des peuples, même s’ils souhaitent se laisser entrainer vers un asservissement volontaire et de fait, inévitable ? Comment se mettre en travers de cette trajectoire funeste ? Comment s’opposer à la volonté majoritaire sans devenir un autre genre de personne providentielle tout aussi dangereuse, car immanquablement, une fois au pouvoir, elle sacrifiera à la volonté de puissance et sombrera dans la corruption ?
Comme toute construction humaine, le système démocratique, le seul à s’appuyer sur un exercice collectif du pouvoir, n’est pas exempt de faiblesses, dont la pire est de pouvoir conduire le plus légalement du monde à la dictature.
Encore des questions, direz-vous ? Oui, et toujours la même réponse : d’abord le retour au courage politique d’élus pour un seul mandat et contrôlés par des institutions indépendantes. Alors, beaucoup jugeront à nouveau utile de se mêler de la vie de la cité.