Nous entrons dans une époque d’évolution langagière différente de tout ce qui a précédé sachant que nos façons de nous exprimer varient de façon régulière avec le temps.
Nous avons depuis un certain temps quitté cette linéarité au profit de variations plus brutales d’une nature plus politique que sociétale.
Le mélange explosif de l’individualisme du moment et d’une tard venue prise de conscience de certains aspects peu ragoutants de notre langue qui traine les dogmes, aprioris et idées reçues de notre histoire sociale, a donné naissance à un courant révisionniste ambivalent.
D’un côté, le nécessaire nettoyage d’horreurs anciennes que la richesse de la langue permet de contourner élégamment au prix d’un effort pédagogique et d’un courage à la portée des bonnes volontés.
De l’autre, son instrumentalisation en moyen de revendication politique ou catégorielle voire communautaristes, s’inscrivant dans un mouvement plus large de défense acharnées de particularismes et d’exclusion de tout échange entre gens différents à base de relecture de l’histoire sous divers biais idéologiques et revendicatifs aux buts contraires à toute idées d’apaisement, d’intégration et de compréhension mutuelle.
Aucun d’entre nous n’étant normal au sens littéral du terme, nous sommes tous conscients et touchés par des écarts de langage installés de longue date ou pas, qui nous irritent ou nous font bondir avec une intensité proportionnelle au ressenti de nos propres différences.
Tout est dans l’intention. Je crois qu’il faut bien faire la différence dans l’usage des formes langagières s’appuyant sur les différences des uns et des autres : elles peuvent aider à préciser un concept ou une idée mais aussi être le vecteur de la pire malveillance. Encore une histoire de curseur, de réglage commun aux deux interlocuteurs capables d’en rabattre en faveur d’une bonne communication.
Nous sommes en partie construits par le langage aussi est-il difficile de le faire évoluer sans y consacrer beaucoup d’efforts sur soi et ses interlocuteurs, sans risquer de s’effondrer vers les solutions de facilité que sont toutes formes d’extrémisme menant inévitablement à se bunkériser.
A mon sens, la guerre de mouvement est préférable à la guerre de tranchées, elle favorise l’évolution de tous en la matière sans menacer une cohésion sociale déjà bien affaiblie et qui a d’autres chats à fouetter pour présenter un front uni et efficace face à une idéologie néolibérale opportuniste faisant ventre de tout ce qui peut la servir.
Pour résumer ce que je cherche à exprimer, corrigeons nos façons de parler dans un esprit d’ouverture aux autres quitte à opposer une certaine indifférence à certains usages qui nous touchent tout en étant porteurs de sens. Veillons surtout à ne pas opter pour le repli et l’opposition systématique, notre langue ne doit pas devenir le champ de bataille d’une guerre entre communautés réclamant justice, vengeance, ou je ne sais quoi et rejoindre ainsi d’autres champs de bataille (l’histoire, la laïcité, les sciences, etc.) où se joue aussi le sort de l’esprit d’ouverture et de tolérance contre le dogmatisme et la pensée confisquée sous les regards enamourés des grands pourvoyeurs de dogmes et d’absolus.