Alors que la pandémie poursuit une évolution encore difficilement prévisible malgré les innombrables travaux et études menées sur le coronavirus, le grand puzzle planétaire s’agite de mouvements pas si désordonnés que ça, ses diverses pièces changeant ici ou là de forme et de position. La configuration du monde d’après aura une autre allure, mais aura-t-il une autre âme ?
Avec la chute vertigineuse du prix du pétrole dont les stocks débordent, les multinationales vont pouvoir se gaver des ruines de tous les opérateurs privés qui s’étaient rués sur les pétroles de schiste, augmentant ainsi leur emprise sur ces ressources à peu de frais.
Pour les mêmes causes, les économies des pays pétroliers sont très durement secouées avec des conséquences diverses.
La Russie qui peine à revenir à son ancienne puissance devra en rabattre sérieusement et le pouvoir en place, soucieux de son devenir, sera certainement tenté par une fuite en avant totalitaire déjà bien enclenchée pour occulter son incurie.
Dans le Golfe Persique, une nouvelle parité de richesse tirant vers le bas pourrait rééquilibrer les forces entre pays sunnites et pays chiites à tel point que des affrontements ouverts pourraient intervenir, ce risque étant amplifié par le désengagement des USA rassurés par leurs propres ressources mais en même temps atténué par l’intervention d’autres pays asiatiques, immenses, mettant tout leur poids politique sur la pérennité de leurs approvisionnements.
Par ailleurs, le monde a de plus en plus la confirmation d’une nouvelle polarisation sur la Chine et les USA qui, plus ouvertement que jamais, ne respectent plus que ce qui va dans le sens de leurs intérêts, avançant sans vergogne leurs pions impériaux au grand effroi d’anciens alliés désemparés de ne rien peser dans cette confrontation de géants indifférents chacun à leur manière au sort de l’humanité.
Et l’Europe ? Sauf un sursaut de dernière minute, elle file droit vers son explosion, tiraillée par les deux géants, minée par la faillite de la solidarité entre états et la réémergence de nationalismes et autres populismes si puissants qu’ils sont déjà parvenus à se hisser au pouvoir dans plusieurs pays, n’hésitant pas une seconde à violer les principes démocratiques fondant l’Union Européenne qui n’a toujours pas compris qu’un grand marché libre ne forme pas société et ne fait rêver personne d’autre que ceux qui tirent à eux la couverture du néolibéralisme.
Quant à nous, français, nous avons pu observer depuis le début de la crise un enchainement d’errements et de constats qui peuvent mener à une véritable prise de conscience populaire des dérives d’un système cloisonné fondé sur la confiscation des pouvoirs locaux et la subordination aux principes du néolibéralisme poussant aux délocalisations, au saccage des services publics, au mépris de ceux qui créent la valeur en travaillant. Mais pire, cette doctrine nous a placé à la merci totale d’opérateurs étrangers agissant uniquement dans leurs intérêts, pour la fourniture de denrées essentielles à notre vie quotidienne : nos grands spécialistes de la confiscation du pouvoir se sont mis eux-mêmes dans la position de l’arroseur arrosé ! Un tel oubli du b.a.-ba de la pensée stratégique est d’une stupidité renversante.
Le tableau est donc sombre. Cependant, la démonstration par l’absurde que nous marchons sur la tête faite brutalement à la population du monde, la mise en lumière de l’infamie des grands opérateurs qui confondent économie et finances, celle du jeu égoïste des pays les plus puissants, semblent avoir ouvert les yeux de pas mal de gens qui ne vont certainement pas rester les bras ballants dans les mois qui viennent.
S’annonce donc une pandémie de gilets jaunes puissance dix, mondiale, plus éclairés que jamais sur la nature de l’ennemi, plus conscients que jamais que l’union fait la force, plus lucides que jamais sur les modes d’action à mettre en avant au-delà des querelles de chapelles, plus déterminés que jamais sur des stratégies de bon sens, dans le seul but de remettre la politique au centre du débat et de ramener l’économie au rang d’outil.
J’y crois car cette conjoncture porteuse d’opportunités inattendues est unique dans l’histoire de notre espèce. L’espoir de donner au monde une autre âme, revenue à l’humain, est plus que jamais vivace.