La presse du moment, toujours avide d’information sensationnelle, vient de rendre compte du centième « féminicide » depuis le début de l’année 2019.
Que cent femmes aient été assassinées dans un contexte conjugal en si peu de temps est en soi un scandale absolu. Les causes sont multiples et s’il est bien difficile de s'immiscer dans l’intimité d’un couple afin de prévenir les violences, il est d’autre part assez facile de deviner la part sociétale de ces débordements mortels.
La société dans laquelle nous vivons, pleine d’à priori, ses codes, et d’innombrables contraintes, impitoyable avec les plus faibles, n’engage pas les individus sur la voie de la tolérance et de la négociation, pour le moins. Sous l’influence de plus en plus pesante de l’individualisme, le rapport de force devient le seul média entre individus, y compris dans la cellule familiale. Ajoutons à cela une acculturation et une inculturation de plus en plus fréquente et le cocktail est parfait : toute contestation, prise à la lettre, devient un casus belli et dégénère aussitôt vers le degré zéro de l’échange, lorsqu’il n’y a plus d’arguments : les coups !
Cette montée de la violence dans la société n’est pas nouvelle mais elle est de plus en plus visible pour tout un ensemble de raisons, bonnes –c’est révoltant et intolérable- ou mauvaises –ça fait le buzz- !
Mais aujourd’hui, quelque chose me gêne particulièrement : on vient d’inventer le mot « féminicide » pour qualifier les assassinats de femmes dans un contexte conjugal ou familial. Il est vrai que ça évite les périphrases, que ça veut dire ce que cela veut dire. OK ! Mais si dans le même contexte, une femme tue un homme, c’est un homicide ? Oups, le mot est déjà pris !
Au-delà des chamailleries linguistiques, ce qui me gêne le plus, c’est qu’ainsi la société prend acte de ce fait en lui donnant un nom générique à valeur d’acceptation, lâche constat d’impuissance à l’enrayer alors qu’elle ne peut plus le cacher sous le tapis.
Je suis attaché à nommer les choses telles qu’elles sont : on parle ici de l’assassinat de femmes par leurs conjoints, pour des raisons toujours dérisoires au regard du résultat. Dite ainsi, la chose reste monstrueuse, ce qu’elle est vraiment, elle interpelle : comment en est-on arrivé là ? Comment peut-on l’empêcher ?
Un seul mot couvrant tout cela n’est-il pas une manière d’arrondir les angles, d’atténuer l’horreur de l’acte concret ? Une manière d’en affaiblir l’impact, celui qui nous pique au vif et nous révolte, nous pousse à agir ? Pire, une façon de nier la réalité ?
Ce nouveau mot est la dernière invention du « politiquement correct », ce langage de communiquant touchant à la perfection lorsqu’il signifie le contraire de ce que l’on croit qu’il dit !
Alors, dites les choses avec les mots de notre belle langue, ne sacrifiez pas aux raccourcis castrateurs de sens !