Tout à l’heure, je poireautais à la caisse de ma supérette familière et pour passer le temps, j’ai observé avec attention les achats de la personne me précédant alors qu’elle les étalait sur le tapis roulant.
A première vue, ce monsieur avait opté pour du vite fait, vite mangé. Tout emballé, précuit, cuit, limite prédigéré ! Une installation d’art à la gloire de l’industrie agroalimentaire qui n’aurait pas déparé une quelconque biennale à la mode ! Belles couleurs, formes agréables, au look de spot télé sans le son.
A peine cinq minutes pour préparer un repas. Et là, soudainement, j’ai cru découvrir le pot aux roses : cette supérette ne vend pas de la nourriture, elle revend du temps.
Ce brave homme en modeste tenue de travail, survivant en vendant certainement son temps pour un montant sans rapport avec la richesse qu’il crée ainsi, venait donc ici en racheter un peu pour lui, après avoir cédé trop de sa pauvre fortune.
Ainsi, ne lambinant pas à cuisiner, il pourra libérer un peu plus de temps pour les spots télé, pour le foot gavé de publicité, pour aller au bistrot du coin se livrer aux jeux de hasard et rêver un instant d’un monde meilleur.
J’exagère ? Non, je ne pense pas. Et ne voyez aucun mépris dans ce que je raconte. Comme nous tous, cet homme est enferré dans un système qui au fond confisque son temps pour le transformer en argent pour d’autres. C’’est le fatalisme capitaliste, ça marche comme ça, c’est fait comme ça.
Il fut un temps où, luttes politiques aidant, le curseur s’était rapproché des intérêts des travailleurs, mais depuis plusieurs décennies, il ne cesse de glisser du côté des rares possédants, entrainant de gros dégâts pour la cohorte immense vivant de la vente de son temps qui en tire de moins en moins en acceptant de plus en plus de contraintes : horaires décalés, déplacements, éloignement, cadences, etc.
Ce système fait très fort en matière de cercle vicieux qui enferme tout un chacun dans une fatalité débilitante prenant d’une main le temps de travail pour le revendre en partie comme temps d’aliénation créant des besoins poussant les acheteurs à vendre toujours plus de leur temps pour les assouvir.
Au fond, on peut presque tout ramener au temps dans ce monde mercantile, certains rêvant, n’en doutons pas une seconde, qu’un Géo Trouvetout invente le moyen de transfuser le temps d’un individu à l’autre sans passer par le travail ! Alors, ce sera la fin des tracas, plus d’usines, plus de pollution, plus de lutte des classes, il suffira d’élever des humains en batterie et de pomper joyeusement leur temps. Bon, d’accord, une fois de plus, il n’y pas de raisons que certains ne soient pas plus égaux que d’autres !
OK, lors de mes prochaines courses à la supérette, je tâcherai de choisir une caisse libre pour éviter de délirer.

Et si ce monsieur ne savait pas ou n'aimait pas cuisiner.....
car c'est effectivement une vraie démarche que de choisir des légumes..oui mais lesquels ? et après on en fait quoi avec
être devant les rayons des magasins, ou marchés me plongent toujours dans des abîmes de réflexion, je ne sais absolument pas quoi choisir, et j'admire ceux dont l’imagination se renouvelle de jours en jours devant leurs fourneaux.
même si Daniel j'adhére au fond de ton article....