La réserve militaire est un sujet qui me tient à cœur pour tout un tas de raisons. Notamment parce que je connais bien ce milieu et que son sort me préoccupe depuis la suspension du Service National.
Par définition et sans trop rentrer dans le détail, la réserve militaire est constituée de civils volontaires s’instruisant régulièrement tout au long d’une carrière articulée de la même manière que celle des militaires d’active (les professionnels), Ils sont ainsi aptes à être mobilisés dès qu’une menace dépasse le stade de la gesticulation, en vue de renforcer les forces d’active en permettant de faire face le temps qu’une levée en masse soit effectuée à la survenue de l’état de guerre.
C’est ce qui s’était passé en 1914 et en 1939 pour ne s’en tenir qu’au XXème siècle.
Mais beaucoup de choses ont changé à cause de la professionnalisation de l’armée. Elle a entrainé le tarissement de la source naturelle des officiers et sous-officiers de réserve, la disparition des structures humaines et techniques de formation de masse.
Les réservistes du passé armaient des régiments et autres unités militaires constituées pour jouer un rôle militaire en autonomie en renfort de celui des unités d’active, première étape d’une large montée en puissance en vue de défendre le territoire national.
Ceux d’aujourd’hui, venant en petits nombres en compléments des unités d’active ou en renfort d’état-major, sont plus à mes yeux considérés comme des intérimaires bouchant çà et là les trous ponctuels occasionnés par le surbooking des OPEX (opérations extérieures), victimes de plus d’une exigence telle en matière de présence et de compétence (qui est en train d’augmenter en ce moment), que leur recrutement ne touche plus guère de français moyens embourbés dans leur quotidien familial et professionnel mais plutôt d’anciens d’active jeunes retraités qui voient là l’occasion de poursuivre une activité qu’ils connaissent bien.
Pour faire court, on est passé de l’armée de Valmy au travail temporaire !
Conséquence de cet état de fait, l’armée se détache de plus en plus de la nation qu’elle doit défendre en se repliant sur elle-même et en se privant de la monumentale intelligence collective de réservistes issus des milieux les plus divers, aux modes de pensées et aux desseins variés garants d’une véritable adhésion à l’intérêt général.
L’idée de rétablissement du service national exprimée lors de la récente campagne présidentielle a fait un grand flop une fois confrontée à la dure réalité de tout ce qu’il faudrait remettre en place sans bien sûr le moindre crédit. Mais aussi certainement parce que nos dirigeants savent pertinemment que les citoyens d’aujourd’hui biberonnés à la mondialisation libérale et à l’individualisme forcené ont une notion de l’intérêt général qui nécessite d’abord d’être reconstruite dans les familles, à l’école, dans la civilité.
Si par malheur, nous nous retrouvions prochainement dans une situation du même type qu’en 1914 ou 1939, je n’ose même pas imaginer ce qu’il adviendrait en matière d’apocalypse ! Comment mobiliser à chaud des gens qui n’ont même pas notion de ce que cela représente, sans avoir les moyens de leur donner une chance de ne pas se faire tuer et surtout, peu enclins à se sacrifier pour une société de plus en plus inégalitaire et inéquitable.
A moins que nos dirigeants n’aient depuis longtemps parié sur le triomphe du grand marché libre et mondial reléguant les poussées de fièvre nationalistes au rang de curiosités historiques, n’ayant plus à se préoccuper que du bonheur consumériste obligatoire en coupant les têtes qui dépassent.