Une des principaux piliers de toute société est son langage : il permet à ceux qui la constituent de se comprendre et de s’entendre. Il comprend un tronc commun à tous ainsi que diverses branches spécifiques à certaines activités nécessitant précision et spécialisation.
Par exemple, parmi les français, qui parlent tous la même langue, certains usent de jargons utiles à leurs métiers tels les menuisiers, les cuisiniers, les militaires, les informaticiens, j’en passe !
Si ces langages de métier sont indispensables à leur bon exercice, ils ont cependant un impact sur la société au sens où ils confortent dans leur exception les groupes qui les pratiquent et de fait favorisent une certaine décohésion.
Ce sentiment d’appartenance est cependant contrebalancé par la puissance de la langue commune qui les transcende toutes.
A condition que cette langue commune conserve sa richesse et sa cohérence. Qu’elle reste celle de tous et des pouvoirs publics, support de la loi et expression du pouvoir politique.
Et c’est là que cela se gâte.
La Novlangue, vous connaissez ? Un truc inventé par George Orwell pour son … roman « 1984 ». Une reconstruction du langage dans le but précis d’enfermer la pensée dans un cadre rigide et étanche.
Ce mot revient en grâce à notre époque avec tout ce qu’il transporte, après avoir été un peu oublié mais surtout enterré sous les oripeaux beaucoup plus glamours de la langue de bois ou des éléments de langage !
Les mondes politiques et médiatiques pratiquent beaucoup ces derniers pour embrouiller encore plus leur absence de pensée et de desseins mais sans voir le danger que représente un tel dévoiement de la langue commune, systémique à la société !
Comme pour les langues de métiers, on pourrait s’attendre à ce que ce langage spécifique à la politique soit porteur de précision et de nuance. Or il n’en est rien ! Ce langage-là tend vers ce qu’avait défini Orwell : la Novlangue est un appauvrissement consistant à supprimer tous les mots et tournures permettant la liberté de penser. Chaque nouvelle édition du dictionnaire est plus mince que la précédente.
Difficile alors d’exprimer sa pensée dans un tel enfermement. Autant ne pas le faire, ce qui est le but recherché dans le monde totalitaire du roman.
Dans un monde tout de même un peu moins contraint tel que le nôtre, l’affaiblissement du langage sous les assauts de la langue de bois est amplifié par la faillite de l’éducation et aggravé par la débilité des activités de diversion. La difficulté à s’exprimer clairement entraine des conséquences dramatiques sur les rapports humains et donc sur la société.
Le langage est le moyen d’aller vers les autres, de communiquer.
Plus il est riche, plus il permet d’argumenter, d’expliquer, d’apaiser, de repousser l’affrontement.
Plus il est pauvre, plus la violence devient une alternative facile à la discussion.
Plus les mots nous manquent, plus le monde nous parait menaçant faute de pouvoir nommer de quoi il est fait.