Lorsqu’on s’intéresse à un groupe humain quel qu’il soit, nous avons tous constaté que ce que nous en comprenons et en ressentons est directement corrélé avec l’échelle et l’angle de l’observation.
Ainsi, alors qu’on nourrit des idées bien arrêtées sur tel ou tel ensemble de gens regroupés au sein d’une entité idéologique, religieuse, sociale, ludique ou autre, il est amusant de constater que ces impressions ne s’appliquent pas forcément aux individus pris séparément et hors de la bulle où on les croit enfermés.
La force et le comportement d’un groupe ne sont pas égaux à la somme des forces et comportements de chacun de ses membres mais en sont plutôt une sorte de transcendance à laquelle on prête une force et un comportement indissociable, monobloc, facile à observer dans la réalité. Nous sommes confrontés de toutes parts à ce type d’observations, nous sommes nous-même parties prenantes, dans nos vies quotidiennes, d’appartenances diverses agissant sur nous avec notre consentement souvent inconscient et aussi souvent irrationnel.
Pensons à la conduite d’un amateur de football qui n’est plus la même personne suivant qu’il parle de son attrait pour ce sport ou du fait qu’il est supporter de telle ou telle équipe ! Ou d’un automobiliste vivant normalement son véhicule comme un moyen de transport mais qui devient soudain membre vociférant d’une confrérie des usagers de la route dès qu’on lui parle de radar ! J’en passe et des pires.
Très récemment, j’ai vu le dernier film du finlandais Aki Kaurismaki : L’autre côté de l’espoir. On y voit un réfugié syrien à bout de galères, accueilli par des finlandais moyens vivant aussi les leurs. Ce qui nous est montré par le cinéaste ne sont que les relations entre individus qui se nouent naturellement, il n’est jamais question du zoom arrière qui ferait disparaitre ce réfugié dans le grand fourre-tout « les réfugiés » auquel on prête tous les maux et les pires intentions.
On se rend compte que le fossé est immense entre ces deux points de vues et à quel point nos opinions sont dépendantes de la conscience de ce décalage.
Il est aisé de comprendre ainsi la schizophrénie des opinions publiques suivant qu’on nous montre des cohortes de réfugiés sans visages ou certains d’entre eux nous regardant les yeux dans les yeux.
Il est aisé de comprendre que notre empathie pour ces gens dans la détresse peut si facilement faire place à la méfiance et à la détestation les plus intenses.
Il est beaucoup plus difficile dans ces conditions de ne pas généraliser à tous les intentions criminelles d’un petit nombre, de ne pas mettre tout le monde dans le même sac.
Combattre ce penchant est notre plus grand chantier. Et ce n’est pas gagné à entendre certains de nos politiques.