AlternativeS DémocratiqueS a invité plusieurs patrons et anciens patrons à étudier Le Capital. Voici le texte du courriel que nous leur avons envoyé :
AlternativeS DémocratiqueS vous propose de comprendre ce que Marx a écrit dans le Capital. À vous ensuite de l’interpréter à votre façon — un cercle d’étude d’AlternativeS DémocratiqueS n’étant pas un camp de rééducation du Vietminh !
Comment ça se passe ?
Vous lisez chez vous un chapitre du Capital (ou un chapitre correspondant de Pour lire le Capital du géographe anglo-étasunien David Harvey, qui est une explication fidèle du texte de Marx et qui est peut-être plus accessible au lecteur d’aujourd’hui). Vous notez ce sur quoi vous voulez des explications, ce qui vous pose problème ou ce avec quoi vous êtes en désaccord.
Nous nous réunissons et nous discutons dans un premier temps du texte, à partir des points que nous venons de mentionner.
Dans un deuxième temps, nous échangeons librement sur ce que cette lecture nous inspire, sur l’expérience que nous en avons dans notre vie. Il n’y a aucune obligation à être consensuel.
Le tout dure au maximum deux heures. Nous sommes assez stricts sur cette durée parce que l’expérience nous montre qu’il est difficile de rester attentifs plus longtemps.
Le rythme est d’une séance toutes les trois semaines. Il est déterminé par les jeunes qui poursuivent des études supérieures ou qui travaillent et qui ont des contraintes d’emploi du temps assez sévères.
L’étude du livre I du Capital prendra environ un an.
Quel intérêt ?
À l’heure actuelle, toutes les théories économiques libérales ont fait faillite, qu’elles soient néolibérales tendance Friedman ou qu’elles soient keynésiennes.
Seule la théorie marxiste de l’économie subit avec succès l’épreuve du temps. Si vous pensez que c’est faux, vous n’avez qu’à tester !
Dans le Capital, Marx ne dit pas ce qu’il faudrait faire. Pas plus que Newton ne disait comment fabriquer un avion. Mais si on ne comprend pas comment ça marche, on court le risque que toutes les solutions envisagées ne soient que des fariboles. C’est d’ailleurs ce qu’on peut constater jour après jour. Déjà que, même quand on a compris comment ça marche, les risques de trouver de mauvaises réponses aux problèmes économiques sont grandes…
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Nous n’allons pas vous raconter que l’étude du Capital est une partie de plaisir. C’est difficile. La démarche que nous proposons permet d’éviter les interprétations solitaires et erronées et de surmonter les moments de découragement. Nous n’avons pas pour habitude de faire des promesses, mais nous faisons celle-ci : à l’issue de l’étude, quelles que soient vos conclusions, vous n’aurez pas le sentiment d’avoir perdu votre temps, bien au contraire.
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Pour AlternativeS DémocratiqueS, quel est l’intérêt de votre participation ? Ne serait-il pas plus facile “d’endoctriner” des jeunes sans vous et votre expérience ?
Eh bien, c’est que nous ne cherchons à endoctriner personne. Nous sommes convaincus que la recherche de la vérité est le moyen le plus efficace de contribuer aux changements que nous voulons. C’est pour cela que, en nous confrontant à des gens qui sont à priori les plus éloignés de nous, nous soumettons sans hésiter nos conceptions à ce que les anglophones appellent “the acid test”.
Un autre point : nous voulons renverser la domination du capitalisme, c’est clair. Mais nous ne recherchons aucune vengeance.
La classe capitaliste aurait beaucoup à perdre avec notre venue au pouvoir. Elle perdrait son contrôle sur la société, et une grande partie de sa fortune, la finance étant nationalisée comme ce fut le cas sous De Gaulle, ainsi que les secteurs stratégiques de l’économie nationale.
Mais, pour ce qui est des capitalistes individuels, ils n’y seraient pas forcément perdant. D’abord, nous ne toucherions pas aux biens privés, hormis la propriété du sol, et nous supprimerions l’impôt sur la fortune. En leur accordant les mêmes droits sociaux qu’à tous les autres citoyens, par exemple la gratuité totale de l’éducation, sans conditions de ressources (comme en Finlande), nous les réintègrerions dans la communauté nationale. Il y a pire comme mesures à l’égard des plus riches.
Nous pensons que la France devrait ressusciter une industrie textile, une industrie métallurgique, une industrie du bois, etc. Mais que ce n’est pas à l’État de s’occuper de la fabrication des bluejeans ou des casseroles. Il créerait simplement les conditions de marché pour permettre la renaissance de ces secteurs économiques. Là encore, il y a pire comme mesures à l’encontre du capitalisme.
En assurant des débouchés aux entreprises, en raccommodant le tissu social, la France que nous voulons apporterait ce bien essentiel : la sécurité.
En contrepartie, nous exigerions que les capitalistes payent des impôts à hauteur de leurs revenus et que leur influence politique ne dépende plus de leur fortune, mais de leurs talents personnels, comme pour tous les autres citoyens.
Ce choix que nous faisons est basé à la fois sur des considérations économiques — dont certaines viennent de la lecture du Capital — et sur des considérations politiques. Nous voulons éviter une guerre civile. Nous ne voulons pas répéter ce qui s’est passé au Chili en 1973. La politique que nous proposons ferait que des menées subversives ne rencontreraient que peu d’écho et s’éteindraient d’elles-mêmes, ceux qui s’y engageraient ayant trop à perdre.
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À vous de décider si vous vous lancez dans cette expérience qui serait probablement pour vous une aventure intellectuelle peu ordinaire.